On termine Les jours qui penchent avec l’étrange besoin de téléphoner à sa grand-mère, de prendre quelques minutes pour lui dire qu’on la comprend et qu’on sait maintenant ce que veut dire « vieillir ». Ultime épreuve lancée par le temps et solitude marquée de nostalgie et de remords, voici quelques éléments qui gigotent sous les mots du premier roman de Mylène Benoît. À mi-chemin entre le conte, l’onirisme et l’anecdote, cette œuvre poétique nous plonge dans la petite bicoque de Ma, une tisserande rongée de vieillesse, et dans l’imaginaire de Jaal, un Shéhérazademasculin et âgé. Ensemble, ils tenteront de survivre au temps qui passe, elle en tissant, lui en rapportant les potins du village; un projet ambitieux et extrêmement malhabile.
De l’Enfant Mariné à la Poisseuse, en passant par l’Homme-oiseaux, les personnages des Jours qui penchent prennent vie dans la bouche de Jaal. D’abord sur un ton réaliste, le récit glisse lentement vers le conte, vers des petites histoires que le bouche-à-oreille modifie jusqu’à les rendre magiques; le projet a du potentiel, une vision de la littérature, un concept formel intéressant, mais dans les faits, le roman de Benoît tombe à plat. On n’y croit pas, ou plutôt on n’arrive pas à y croire. Il faut lire ici que son défaut majeur ne concerne pas sa vraisemblance ni la complexité des personnages, mais bien l’écriture. Les jours qui penchent,penche trop. Si l’on vient de voir sa potentialité, c’est avant tout parce que nous voulions montrer ce que le roman aurait pu être, ce qu’il aurait dû être…
Car l’écriture manque cruellement de travail, à tel point que par moments, on est tenté de lire avec un crayon rouge. « Puis la pluie a tombé. Ma a vu la pluie amener des coulées, des mouillures pour ainsi dire, dans ses vitres étincelantes, elle a ragé, s’est dit c’est exprès, ils font exprès pour me varloper ça chez nous. Elle est sortie dehors, sous la pluie, ça l’a calmée. » Images approximatives, comparaisons obscures, pléonasmes, langage tantôt familier, tantôt soutenu, et plusieurs autres maladresses nous empêchent donc de nous concentrer sur l’histoire, une histoire déjà difficile à cerner. On reprochera également quelques longueurs et une utilisation maladroite du flash-back.
Bien que le roman soit plein de bonne volonté, l’impression d’un deuxième premier jet nous empêche d’entrer dans l’œuvre et l’apprécier. Les jours qui penchent a été publié trop vite, l’œuvre mérite un retravail, et c’est malheureux.