La Galerie des arts visuels de l’Université Laval introduisait, le 8 novembre dernier, La fabrique du corps, exposition solo de l’artiste Bernard Paquet. Exploration picturale s’articulant par le biais de trois œuvres et séries en totale complétude, Paquet nous dévoile ici son hypothétique posthumain dans un imaginaire qui lui est propre.
Le posthumain, c’est la proposition d’un corps renouvelé, qui annonce un futur où l’humain assurera sa longévité en se régénérant lui-même par la culture de ses propres tissus, ou de tissus artificiels. Inspiré du concept de médecine régénérative, ce corps du futur s’extirpe toutefois de la réalité, de la documentation frigide au profit d’une exploration picturale exhaustive et incontestablement approfondie.
L’imaginaire organique
La Galerie des arts visuels nous a ainsi ouvert ses portes pour dévoiler un espace finement exploité, dans une épuration qui facilite la contemplation, de près comme de loin. À son entrée, le visiteur remarque distinctement trois regroupements d’œuvres – lesquels dialoguent efficacement les uns avec les autres, forment une unité notoire, et ce, dès le premier coup d’œil.
Au mur droit se dressent deux tables, sur lesquelles sont posées deux cahiers accordéons déployés. Catàlogo de ser humano (Catalogue de l’être humain, 2016) présente une multiplicité de dessins qui semblent communs à l’oeil humain. C’est en s’y attardant le moindrement qu’on remarque la part mécanique doucement glissée au travers l’organique, fidèle représentation de cette thématique du posthumain travaillée dans l’exposition. Vis, écrous, boulons; cette insertion d’éléments improbables créent une banque anatomique ouverte et ludique, livre ouvert sur l’imaginaire de Paquet.
Le mur du fond et le mur gauche se voient pleinement occupés par la série Corporis fabrica (2016 – 2018), laquelle regroupe un total de 43 tableaux de petits formats. Ces échantillons anatomiques sont illustrés dans une maîtrise technique indéniable, l’acrylique ici travaillée par couches multiples, lesquelles accentuent la crédibilité des fragments présentés, encore une fois sans s’attarder à la réelle fidélité de ceux-ci. Ensemble, cet impressionnant jeu de textures rappelle le motif, offre à ces éléments anatomiques une présence plus aérienne, éloignée du réel.
Le mur de l’entrée est pour sa part orné d’une monumentale peinture à l’acrylique, Pòs-ano 2114 (2014), laquelle évoque l’imagerie de l’écorché – ce corps sans épiderme, animé, qui exprime merveilleusement la continuité du vivant – majeure dans le travail de l’artiste.
Les écorchés de Paquet sont conçus dans une liberté certaine, qui met de côté les standards de la réalité morphologique. Ici, nous les voyons insérés dans un horizon intemporel, visiblement vivants et charnels, mais tout à fait éloignés de leur historique picturale clinique, froide et réaliste.
C’est grâce à la spécificité du médium de la peinture, par sa recherche persistante, que Paquet crée ces impressions. La réalité, en fait, n’est que celle de la peinture et de tout ce qu’elle engendre.
Une image humaine du futur
Ces organismes extraits de la binarité se prêtent efficacement à l’idée du multiple : ce « bricolage organisé » de formes et de couleurs diverses permettent effectivement une infinité de combinaisons, lesquelles demeurent parfaitement unies par l’utilisation d’une gamme de couleurs concordantes et connues de l’imagerie médicale, des représentations de la chaire humaine (l’ocre jaune, le terre de Sienne naturelle, le terre de Sienne brûlée, le terre d’ombre naturelle et le terre d’ombre brûlée) – et ce, toute œuvre ou série confondue.
C’est donc ce corps travaillé de l’intérieur qui nous est ici présenté. Qu’il soit mis en scène par le biais de la figure de l’écorché, ou décortiqué sous forme de catalogues anatomiques imaginaires, ce corps devient véhicule particulièrement efficace d’une exploration picturale mise de l’avant par l’artiste, laquelle le préoccupe avant toute chose.
Bernard Paquet offrira une conférence le jeudi 15 novembre prochain, à 17h, à l’École d’art de l’Université Laval. L’exposition La fabrique du corps se tiendra jusqu’au 16 décembre prochain.