Iqaluit, de Benoît Pilon : Entre désespoir et humanité

Près de dix ans après le succès remporté par son magnifique Ce qu’il faut pour vivre (Prix Génie et Jutra du meilleur film en 2008), Benoît Pilon renoue avec le grand nord canadien et le peuple inuit dans son tout nouveau long-métrage, Iqaluit. Ce drame tranquille et touchant, au rythme lent, est au final de très bonne tenue, malgré un scénario parfois trop prévisible.

Après Kim NIqualitguyen et Un ours et deux amants cet automne, un autre cinéaste québécois se lance cette année à l’assaut des terres du Nord. Pour Benoît Pilon, toutefois, il s’agit d’un retour : le réalisateur et scénariste a tourné ses plus belles images en carrière entre glaces et toundra. Et contrairement à son compatriote, le cinéaste signe ici un long-métrage naturaliste, dépourvu de tout onirisme, mais non de poésie et de spiritualité.

Gilles (François Papineau, impressionnant) dirige un chantier près d’Iqaluit, au Nunavut. Depuis de nombreuses années, il partage son temps entre le territoire inuit et Montréal, où l’attend sa femme Carmen (Marie-Josée Croze). En plus d’une décennie, celle-ci n’est jamais venue visiter son époux sur son lieu de travail. Un jour, pourtant, elle débarque à Iqaluit : Gilles, victime d’un grave accident, est à l’hôpital. On craint pour sa vie.

Une aura de mystère plane sur l’incident. Carmen, ébranlée, s’interroge et se démène, découvrant peu à peu les pans secrets de la vie de son mari. Nulle intrigue policière ni chasse aux sorcières ici, toutefois : le monde qui se révèle à Carmen est celui d’un homme chaleureux, mais seul, travaillant six mois par année à des milliers de kilomètres de celle qu’il aime. Un homme qui a dû apprivoiser une tout autre nature et un tout autre mode de vie. Un homme qui s’est lié, peu à peu, à une population locale amicale et ouverte, mais tellement différente. Dont, au premier chef, Noah (Natar Ungalaaq, magnifique), ouvrier, pêcheur et chef de famille à la sagesse tranquille.

Dans la lumière diffuse de l’interminable jour polaire, Benoît Pilon met en scène avec une infinie tendresse la vie de ces Inuits bons et fiers, écartelés entre le monde moderne et les legs de leurs ancêtres. Entre les rues désolées d’Iqaluit et les horizons vides et grandioses de la baie de Frobisher, entre le rugissement des machines et celui du vent, le contraste ne saurait être plus saisissant. La photographie de Michel La Veaux, à cet égard, touche le sublime.

Certes, le scénario, d’une grande simplicité, n’est pas toujours à la hauteur de ce cadre surhumain. Là, heureusement, n’est pas l’essence du projet : tout l’intérêt du film repose dans le portrait que Benoît Pilon brosse de ce nord lointain et trop souvent ignoré. Ses habitants, formidablement attachants, nous apparaissent ainsi plus proches. Ce Nunavut que l’on découvre et apprivoise par les yeux de Marie-Josée Croze, dont la performance toute en subtilité porte le long-métrage, est décidément d’une lumineuse humanité.

3/5
Consulter le magazine