Pour un soir seulement, le grand metteur en scène allemand Thomas Ostermeier et sa bande venaient présenter à Québec la pièce-événement Un ennemi du peuple dans le cadre du 14e Carrefour international de théâtre.
Cyril Schreiber
La pièce, un texte signé Henrik Ibsen datant de 1883 et jouée plus de 700 fois depuis sa création, raconte le chemin de croix du Docteur Stockmann, qui découvre que les eaux des Thermes de sa commune, entreprise dirigé par son propre frère, sont contaminées. Bien vite, il se butera à l’adversité du monde politique (et journalistique), constatant qu’il n’est pas si aisé de changer les choses.
Un ennemi du peuple fait partie de ces pièces de théâtre vérité où la situation fictive représentée ressemble étrangement à la réalité – le texte d’Ibsen, même s’il a peut-être subi une adaptation contemporaine, se révèle d’autant plus troublant d’actualité en 2013, période de corruption politique par excellence et de malversation de la part de nos élus.
Classique pendant une bonne partie, manquant d’un brin de folie, et ce même si l’histoire est intéressante, la pièce prend un tournant pas si inattendu que ça alors que le Docteur Stockmann – entouré de ses adversaires – fait son discours devant le public ; celui-ci est alors invité à prendre part au spectacle et à donner son accord ou son rejet de cette petite révolution, tout en discutant avec les acteurs à l’aide de micros. Cet échange improvisé constitue la partie de loin la plus intéressante d’Un ennemi du peuple, Thomas Ostermeier prouvant que son discours s’inscrit non pas dans quelque chose de figé et détaché, ce qui était parfois le cas jusqu’à cette scène cruciale, mais dans une réalité vécue ce soir-là par tous les spectateurs de la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec.
Parmi les bons coups de la mise en scène, notons les magnifiques décors dessinés à la craie sur des murs – pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? – et surtout les nombreuses touches d’humour, qui apportent un peu d’air frais à une réflexion lourde mais autrement vitale. Un ennemi du peuple suscite des réactions, des discussions : voilà l’utilité, première ici, du théâtre.