Photo: Courtoisie - Cath Langlois Photographe

Pointer du doigt l’indéfendable

Du 2 au 20 octobre 2018, le Théâtre Premier Acte présente Celle quon pointe du doigt. Ce nouveau spectacle simmisce dans la vie dune jeune femme bien ordinaire qui va commettre lirréparable: elle va tuer son enfant. Le désarroi face à une naissance surprise, les troubles affectifs les plus communs et lamour inconditionnel sont au cœur des thèmes abordés dans cette œuvre. 

Écrit avec Florent Maiorana, en collaboration avec la troupe Les Treize.

Il s’agit du tout premier texte de la comédienne Marie-Pier Lagacé, diplômée du Conservatoire d’art dramatique de Québec en 2014. Elle joue notamment le rôle principal. L’idée de ce personnage lui est venue alors qu’elle suivait des cours de criminologie à l’Université Laval. Simon Lemoine est le metteur en scène de cette production. Il a, pour sa part, obtenu son diplôme en mise en scène et création en 2015.

L’infanticide est un tabou. Il est inexcusable, et ce, même dans les pires moments d’une vie. Des histoires macabres, il en existe des centaines, mais elles demeurent bien souvent dans l’ombre du silence. Bien évidemment, il y a certains cas grandement médiatisés, mais ils ne suffisent pas à comprendre ce qui peut pousser un individu à une telle violence.  

Le cadre référentiel de l’histoire se rapporte aux temps modernes. Celle quon pointe du doigt, c’est la vie

Photo: Courtoisie – Cath Langlois Photographe

chamboulée d’une femme qui n’a pas su retenir ses pulsions de mort alors qu’elle était en proie à une profonde dépression post-partum. C’est aussi le reflet bien malheureux d’une société qui n’écoute pas et qui ne se donne pas les moyens de venir en aide aux gens instables psychologiquement. Le portrait qu’on retrouve dans cette pièce de théâtre, c’est celui d’un seul meurtre, mais la moyenne, par année, se situe entre six et huit enfants qui perdent la vie à cause de la détresse parentale (Information prise dans le programme de la soirée). Bref, c’est le récit troublant d’une jeune femme en prison qui avait pourtant tout l’avenir devant elle.

Des performances bouleversantes

Marie-Pier Lagacé joue une femme profondément malade, car elle est atteinte d’importants symptômes dépressifs. Son entourage, lui, est bien banal et commun : une mère absente (Éva Daigle), une tante aimante (Linda Laplante), un petit copain perdu (David Grenier), une compagne de cellule grinçante (Anne-Marie Côté) et un psychologue caricaturé (Réjean Vallée). L’univers qui gravite autour d’elle est interprété avec justesse et le public assiste ainsi à de bouleversantes performances. Les personnages sont forts, intenses, disparates, et ce, du début à la fin. Ils tiennent le flambeau avec brio et professionnalisme.  

Les moments marquants de sa courte vie en liberté sont servis à un rythme effréné. Cette jeune femme sans histoire est plutôt surprenante par sa manière d’agir dans le bureau du psychologue de sa prison. Des rencontres pour le moins troublantes considérant la gravité de ses actes. Comment peut-elle avoir une confiance aussi aveugle envers cet homme inconnu? D’où lui vient cette soudaine facilité à parler ouvertement de son crime? Est-ce véritablement le reflet du monde carcéral québécois? En d’autres mots, le personnage de Marie-Pier Lagacé tente de s’en sortir en s’ouvrant, mais cela semble si simple que le spectateur est presque encouragé à décrocher de la réalité sociale présentée.  

Le récit est lourd. Oui, le sujet de l’infanticide n’est pas synonyme de légèreté, mais il faut admettre néanmoins que le texte est quelque peu maladroit dans plusieurs tableaux. Certaines scènes sont confuses, le public semble s’y perdre. Ce dernier assiste tout de même à une pièce de théâtre où la tension est palpable.  L’intensité de jeu pousse vraisemblablement les personnages à l’extrême. Le spectateur comprend alors la vraie nature de ces gens qui partagent leur quotidien, de ces gens qui s’aiment ou ne s’aiment plus, de ces membres de la même famille qui partagent un lien de sang. Chacun des personnages ordinaires défend ses intérêts pour le meilleur et pour le pire. 

Celle quon pointe du doigt est une œuvre touchante qui mérite sa place dans la présente saison du Théâtre Premier Acte. La dépression post-partum est un sujet grave qui n’a encore été que peu abordé. Marie-Pier Lagacé montre ainsi l’urgence d’agir pour les individus de la société, société qui a pourtant conscience de l’impact des troubles psychologiques.

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