Critique littéraire : Le Parfum de Janis de Corinne Larochelle

Le Parfum de Janis

Corinne Larochelle

Cheval d’Août Éditeur

Un parfum inodore

En quête de quiétude créatrice dans les rues de Lisbonne, une jeune Québécoise s’égare dans les souvenirs amers de son enfance qui lui collent sous la peau. Le souffle nouveau du Portugal qui s’engouffre sous les paupières de la voyageuse contraste le passé d’une relation trouble avec une mère dépressive, un père insouciant et un frère rempli de frustrations. Petite chute libre dans les détours d’une mémoire anémique.

La vacancière s’acharne à ratisser les notes de ses carnets afin de remonter le temps d’une montre puérile aux aiguilles cassées. Peut-être est-ce pour mieux comprendre les liens inextricables qui la relient avec cette drôle de mère divorcée s’accrochant à des amants plus tourmentés les uns que les autres ? Peut-être est-ce simplement pour faire faire le point sur sa propre relation amoureuse à distance qui semble perdue d’avance ?

11113370_876162145753461_2290828764409113862_oC’est une lecture toute simple que nous offre ce court roman très aéré. Empruntant le style de l’écriture du fragment, Corinne Larochelle présente, dans ce premier roman, une accumulation de paragraphes isolés, agencés à de plus ou moins longs morceaux de mémoire, formant une sorte de livre photo désacralisé. Malheureusement, comme tous ces albums de famille qui remplissent nos bibliothèques et valent tant aux yeux de nos mères chéries, la plupart de ces souvenirs glacés restent souvent des plus drabes aux yeux extérieurs.
Malgré l’accumulation de détails qui dépeignent avec justesse le décor des rues québécoises ou portugaises, ces moments figés restent lointains tout comme le restent d’ailleurs les pensées de la protagoniste, qui n’a finalement à offrir que ce malaise profond qu’elle entretient avec elle-même.

Peut-être est-ce seulement ces constants allers-retours entre les multiples époques d’un passé brouillé qui tendent à essouffler la lecture ? Dur à dire. Toutefois, il est impossible de ne pas soulever cette mise à distance redondante de la protagon
iste-écrivaine qui vit en décalé avec elle-même. L’auteure ne semble déposer inlassablement qu’un « je » indéfini, telle une capsule vide où le lecteur ne peut habiter que précairement.

Par ailleurs, il y a dans cette œuvre une vision profonde et particulièrement bien tissée des relations mère-fille, du passage de différentes générations et du bagage qui accompagne ce passage parfois tortueux.

Cependant, cette petite chasse au trésor devient rapidement lassante sous l’effet du rythme saccadé des chapitres qui s’enchaînent sèchement. Laissant un fil narratif plutôt détaché et une impression de retenue dans cette écriture pourtant très travaillée, Larochelle se recoupe constamment dans l’accumulation de descriptions aseptiques.
Les photos deviennent rapidement cartes postales. Portraits jolis, bien cadrés, mais qui restent finalement sans histoire, et surtout, sans passion.

Par chance, Janis survit.

Et sûrement que certaines sauront l’apprécier mieux que d’autres.

2/5

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