Cent ans après la parution de La Scouine d’Albert Laberge, Gabriel Marcoux-Chabot revisite ce classique de la littérature québécoise et en propose sa propre lecture. Candidat au doctorat en études littéraires à l’Université Laval, l’auteur publie ainsi son troisième roman La Scouine (d’après Albert Laberge), en librairie le 16 janvier.
À la façon Marcoux-Chabot
L’auteur, qui s’est vu récompenser pour son roman Tas-d’roches du prix Ringuet et du prix Rabelais de la francophonie, récidive aujourd’hui avec une relecture de La Scouine. Mais où lui est venue cette idée? Lorsqu’il étudie à la maîtrise, en 2014, Gabriel Marcoux-Chabot rejoint les rangs du CRILQ pour y travailler sur une version numérique de La Scouine de monsieur Laberge, travail qui le mènera sur un territoire qu’il ne soupçonnait pas: « Tout a commencé en 2014. J’étais étudiant à la maîtrise en études littéraires à l’Université Laval. Je connaissais Laberge de nom, mais je ne l’avais jamais lu. À cette époque, René Audet et François Dumont m’ont engagé pour travailler sur une future édition numérique de La Scouine. En le lisant, j’ai tout de suite eu envie de m’approprier le roman et de le réécrire à ma manière. »
Ne vous inquiétez pas, nul besoin d’avoir lu le premier pour savourer le second et s’approprier le propos de Marcoux-Chabot. Cependant, l’écrivain ne cache pas que si ça pouvait inciter des gens à le faire, il en serait bien content. Celui qui fait sienne l’œuvre d’Albert Laberge présente sa propre lecture auquel il ajoute quelques ingrédients. Est-ce que son roman est fidèle à celui de son prédécesseur? « Oui, beaucoup, dans un certain sens, et en même temps pas du tout, dans un autre. Je reprends le même univers, les mêmes personnages, plusieurs scènes sont identiques ou très similaires, mais, je réécris tout ça à ma manière, je tords un peu l’histoire, j’enlève des choses, j’en ajoute d’autres, et, inévitablement, j’amène le lecteur ailleurs », déclare l’auteur.
Paulima et Caroline
La Scouine, c’est l’histoire d’une toute petite fille, Paulima, jumelle de Caroline qui, contrairement à sa sœur, a le malheur de naître laide. Elle se voit affubler du sobriquet de La Scouine dès son jeune âge par ses congénères écoliers. Le roman, c’est son parcours, entre autres, et celui de l’individu qui habite cette œuvre, son frère Charlot, notamment, surnommé Le Cassé. Ce bout de femme a un désir profond de s’exprimer, malgré toute l’incommunicabilité qui l’entoure. Ce n’est pas une belle intrigue à l’eau de rose, teintée de clinquant et de bienveillance, mais bien celle réelle d’humains qui, tout en se côtoyant, s’apprennent et s’acceptent, un peu. La Scouine, c’est aussi l’histoire d’un monde hostile, celui des paysans qui peinent à survivre, mais sont bien décidés à tout faire pour y arriver, aux dépens les uns des autres, si c’est nécessaire; la vraie vie, quoi.
La plume de Gabriel Marcoux-Chabot emmène le lecteur ailleurs, mais il faut d’abord dépasser le premier dialogue qui surprend par l’oralité. En voici un petit échantillon : « Mon vieux, dit-elle, j’crés ben j’v’ête malade. » Cette étape franchie, l’appropriation du discours se fait et il reste impossible de revenir sur ses pas et déposer le récit, la quête du point final est désormais obsédante. Non, il ne s’agit pas de joual littéraire, mais bel et bien de la représentation d’une parole juste. L’auteur n’a fait aucun compromis et la part de naturalisme que l’ouvrage renferme contribue à insuffler à l’œuvre toute sa substance.
Il faut ajouter une teinte de poésie, pour brosser un tableau plus complet du roman, qui permet de lui donne sensualité et allégresse. Elle commande tout de même une lenteur qui est nécessaire pour savourer l’ampleur du style qui, cru et authentique, confère un aspect profondément humain. Le réalisme qui s’y trouve peut déconcerter, certes, mais il a le mérite de n’offrir aucun compromis. Il faut peu de mots à Gabriel Marcoux-Chabot pour dévoiler l’essentiel.
Un éditeur courageux
La Peuplade, qui publie « des livres de littérature contemporaine convaincue et sans frontières », propose à ses lecteurs une œuvre qui va directement dans le sens de sa politique éditoriale, et ceux-ci ne seront pas déçus qu’elle fasse preuve de cette audace.
La plume de Gabriel Marcoux-Chabot donne vraiment envie d’offrir plus de place à la littérature québécoise dans nos bibliothèques.