Photo: courtoisie, ©CFO

Une maison et un dialogue en pièces détachées

Un projet en constante évolution et au résultat incertain s’installe jusqu’au 17 juin prochain dans la petite galerie de l’Œil de Poisson, centre de production et de diffusion en art actuel et multidisciplinaire situé dans le complexe Méduse. Avec Maison, les artistes Alphiya Joncas et Roxane Tremblay-Girard réfléchissent à l’habitation d’un espace et au dialogue avec l’autre, pièce par pièce, de semaine en semaine, quitte à essuyer un échec. 

Le visiteur qui pénétrait dans les locaux situés au cœur de la Côte d’Abraham au tout début de l’exposition faisait face à l’incertain, du moins à l’incomplet. Dans la petite galerie, dont la dimension est déjà modeste en comparaison de sa grande sœur située juste en face, les murs ont été repensés afin d’offrir un espace encore davantage restreint. Au sol, un écran diffusant des photographies variées, des outils, des pièces de bois qui serviront vraisemblablement à construire une structure plus complexe. Cette Maison, peut-être ? 

Un long processus actif 

La réflexion et le travail ont commencé l’automne dernier pour les deux diplômées du Baccalauréat en arts visuels et médiatiques, alors qu’elles se sont vues attribuer le prix Tomber dans l’Œil, ainsi qu’une résidence à La Chambre Blanche. Les outils mis à leur disposition ont guidé l’élaboration de ce qui allait devenir la troisième exposition collaborative des artistes, les plans d’une structure de bois étant dessinés et ses nombreuses composantes découpées. 

Dans l’intervalle entre ces étapes initiales et le montage en mai, même si les différentes pièces ont été mises de côté, le processus est demeuré actif selon Alphiya Joncas, car le fait de laisser le temps effacer tranquillement de leur mémoire les dimensions de la grotte de bois constitue un des défis et un des attraits principaux du projet présenté comme étant « à la fois installation, action et vidéo ». « Étant donné qu’elle n’a jamais existé en 3D, on ne sait pas au final si on va réussir, explique-t-elle. La possibilité d’échec n’est pas quelque chose qui nous dérange, on va très bien vivre avec. » 

Tout au long de l’exposition, incluant au fil de l’assemblage progressif de la structure, un écran diffuse une sélection de photographies, manière pour les artistes de capter l’attention du passant, d’offrir un élément visuel de stabilité dans un environnement évolutif. « La présence de l’écran, c’est un peu une solution qu’on a trouvée, poursuit Alphiya Joncas. Les gens vont arriver et vont faire face à une espèce de gros solide, mais on ne veut pas qu’ils soient tentés de regarder le tout de face, puis de s’en aller. » La banque d’images tire sa source des archives de la dernière année des deux créatrices et n’a fait l’objet d’aucun tri. « C’est un peu du contenu pour du contenu et on l’assume vraiment comme ça. C’est vraiment un coup de pouce que l’on se donne pour inciter les gens à faire le tour et à aller voir ce qui se trouve à l’intérieur de la structure. » 

Une collaboration fructueuse 

Alors qu’Alphiya Joncas et Roxane Tremblay-Girard explorent des thèmes bien différents, elles ont su se rejoindre dans leur pratique tant au plan des idées qu’à celui de leur application. Parmi ceux qui sont chers à Joncas se trouvent notamment les questions identitaires ainsi que l’insularité, ce dernier étant présent dans la réflexion entourant Maison. « Visuellement, je ne crois pas que ce soit quelque chose que l’on ressent. Je pense plutôt que c’est à travers la collaboration avec Roxane qu’on peut le voir, cette espèce d’isolation dans laquelle on se met quand on crée, quand on génère des idées. L’insularité sociale, si on veut. » 

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