À la suite de l’élection de Donald Trump, Impact Campus s’est entretenu avec trois experts en science politique à l’Université Laval pour mieux comprendre les enjeux découlant de ce vote.
Élu tard dans la nuit de mardi à mercredi, Donald Trump a récolté 306 grands électeurs contre 232 pour la candidate démocrate Hilary Clinton. Les résultats en ont surpris plus d’un, puisque la femme de 69 ans menait dans la majorité des sondages à l’aube du vote en scrutins.
Le professeur titulaire au département de science politique de l’Université Laval, Louis Bélanger, se dit préoccupé par les premiers effets qu’aura l’élection du magnat de l’immobilier. Selon lui, plusieurs accords internationaux pourraient être en danger. « Ça signifie presque certainement la fin du partenariat transpacifique et de l’Accord de Paris sur le climat dans sa forme actuelle, explique-t-il. Même chose pour l’Europe et les accords de libre-échange en place. »
Son collègue Philippe Le Prestre aborde certains risques directement liés à l’approche de M. Trump en matière d’environnement. « Il y a des raisons d’être pessimiste en ce qui concerne sa politique commerciale sur la question des changements climatiques, puis des droits de la personne », indique-t-il.
Pour sa part, le membre actif du Centre d’études interaméricaines de l’UL Jonathan Paquin insiste sur l’importance des relations avec le Mexique, qui seront gravement touchées par certains projets. « Le grand dossier, ça va être la poursuite de la construction du mur qui est commencée depuis dix ans, note-t-il. Je pense qu’on va vouloir aller de l’avant, mais je ne pense pas que le président mexicain paiera. »
Montée du phénomène Trump
Depuis fort longtemps, aux États-Unis, les populations rurales et ouvrières semblent épuisées de l’establishment et du type de politiciens actuels, estime M. Paquin. Ces dernières ne comprendraient pas les réalités auxquelles elles font face au quotidien. « Dans ces milieux, on ne se sent pas représenté par des politiciens formatés qui ne disent pas les vraies choses, lance-t-il. Et il y a Donald Trump qui parle simplement, qui fait des erreurs, mais qui dit la vérité. »
Cette attitude conviviale pourrait avoir permis au nouveau président américain de toucher une grande partie de l’électorat. Il y aurait une comparaison à faire avec certains mouvements à l’international. « On assiste à une montée des courants politiques populistes actuellement dans le monde occidental, indique M. Bélanger. On l’a déjà vu lors du Brexit, cette montée d’une certaine droite. »
À l’inverse, Hilary Clinton, qui aurait pu devenir la première présidente au pays, n’a pas su incarner ce que recherchaient plusieurs segments de la population : le changement. « Elle n’a pas fait le poids au niveau des afro-américains, des femmes et des jeunes de moins de 30 ans », analyse M. Le Prestre, qui souligne que des interrogations liées à sa personnalité et sa crédibilité lui ont coûté cher.
De nouvelles relations avec la Russie et l’OTAN
Depuis l’élection du clan républicain, quelques politiciens dans le monde ont manifesté leur joie et leur enthousiasme à la nouvelle. C’est le cas de Marine LePen, du Front national en France, mais également du président russe Vladimir Poutine. « On pourrait voir une rencontre au sommet entre Poutine et Trump, qui se retrouve dans une situation particulière où il a l’oreille attentive de la Russie, affirme Jonathan Paquin. Les rapprochements sont possibles. »
Un autre grand dossier est celui de l’OTAN, cette alliance défensive entre les États-Unis et les Alliés européens fondée en 1949. Lors de sa campagne, le milliardaire a énoncé des prises de position relativement contradictoires à ce sujet. « Trump veut affirmer la puissance militaire américaine, mais veut se désengager en même temps de l’OTAN, explique Louis Bélanger. On peut se demander comment il réagirait à la Russie qui s’immisce en Ukraine. »
Toujours à l’international, certains pays seraient très inquiets des positions radicales du nouveau gouvernement américain, qui entend demander à certains états d’assurer eux-mêmes leur défense. « Ça fait peur à l’Estonie, à la Pologne et à bien d’autres, indique Jonathan Paquin. Ils se sentent vulnérables, car, sans protection américaine, la Russie peut réaliser certains projets et tenter de prendre de l’expansion dans ces régions. »
La passation de pouvoir officielle se fera le 20 janvier prochain à la Maison-Blanche. D’ici là, Louis Bélanger croit qu’on peut s’attendre à une certaine forme de paralysie. Il rappelle qu’Obama n’a aucun capital politique au Congrès pour effectuer quelconque projet.