Trump bouscule beaucoup de choses, tant dans la politique interne qu’externe des États-Unis. Il s’est retiré de l’accord de Paris, renégocie l’ALÉNA et a désigné Jérusalem comme capitale de l’Israël; pour en nommer quelques unes. Récemment, il a annoncé son désir de taxer de nombreux produits européens et a appliqué des sanctions contre la Chine. Les deux grandes entités se disent prêtes à riposter et le terme « guerre commerciale » commence de plus en plus à sortir dans les médias. Impact Campus s’est entretenu avec Jean-Frédéric Morin, professeur en science politique à l’Université Laval, pour en apprendre plus sur le sujet.
Les différends économiques et l’OMC
«Le terme même de guerre économique désarçonne la plupart des économistes classiques et néo-classiques», affirme Jean-Frédéric Morin. La qualification de guerre commerciale utilisée dans les médias perd un peu de son sens. Même si certains pays peuvent parfois être plus avantagé que d’autres, les relations commerciales sont censées être gagnantes pour tous les partis.
En interprétant les échanges économiques comme des guerres commerciales, il faut comprendre qu’en important des biens, il y en aura moins qui seront produits au plan national et qu’en exportant un autre bien, le pays ne sera pas nécessairement gagnant. Selon les théories classiques, les relations commerciales entre les États sont censées être bonnes pour tous les acteurs impliqués.
Les différends économiques ne sont pas nouveaux. Normalement lorsque c’est le cas, ils consultent l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Cependant, depuis quelques mois, les États-Unis bloquent la nomination des juges pour ce procédé de résolution des conflits. Les sanctions imposées par les États-Unis à la Chine sont inquiétantes, comme la décision s’est fait sans attendre l’OMC. « Ça peut contribuer à décrédibiliser, délégitimer un mécanisme qui a assez bien fonctionné depuis les 25 dernières années », se désole le professeur.
Plus de perdants que de gagnants
Les États-Unis se ferment de plus en plus au reste du monde, mais les acteurs économiques sont très nombreux. Une bonne nouvelle pour une compagnie américaine peut être une catastrophe pour une autre de ce pays. Globalement le professeur estime que les États-Unis seront perdants s’ils continuent leur politique protectionniste.
« Ce que tous les acteurs cherchent c’est de la prévisibilité, autant au niveau gouvernemental qu’au niveau des entreprises », précise M. Morin. Cette stabilité est difficilement atteignable avec les décisions souvent impulsives du président américain. Cela contribue à rendre frileux les investisseurs.
Le Canada est bien touché par ces mesures, surtout en ce qui concerne les exportations d’acier, comme il est le premier fournisseur des Américains. S’il a été annoncé que le Canada et le Mexique seraient, pour l’instant, épargnés par les taxes sur l’acier et l’aluminium, rien ne garantit que ça ne pourrait pas changer. Si les mesures sont appliquées telles quelles, il est possible de s’imaginer des gains à court terme pour le Canada, mais probablement pas à moyen et à long terme.
TPA : l’épine dans le pied de Trump et de L’ALENA 2.0
Tel que l’affirme M. Morin, il est très important de se rappeler que le président américain n’a pas l’autorité absolue en ce qui a trait aux accords commerciaux. Chaque accord doit être présenté et voté au Congrès pour être accepté en totalité ou en partie. C’est aussi le Congrès qui donne l’autorité au président de négocier ces accords, notamment avec la TPA (Trade Promotion Authority).
Cet organisme est responsable de donner les objectifs de négociations à l’exécutif du gouvernement américain. Ensuite, si les accords y correspondent, le vote peut commencer au Congrès. Seulement, le mandat de la TPA prend fin cet été. Si celui-ci n’est pas renouvelé, il pourrait devenir quasiment impossible pour le président de faire voter les accords commerciaux au Congrès.
L’empressement de Trump pour en finir avec les négociations de l’ALÉNA 2.0 est ainsi plus compréhensible, selon le professeur. Si le Canada et le Mexique font trop durer les négociations et que la TPA n’est pas renouvelée, il y a fort à parier que l’accord n’aura jamais lieu.
Cela dit, si le président veut se retirer de certains accords commerciaux, personne ne sait si le Congrès peut vraiment l’en empêcher. En fait, le cas ne s’est jamais vraiment présenté auparavant et si cela devait arriver, l’instabilité n’en serait qu’exacerbée.