J’ai rêvé en noir et blanc

Par Mikaël Grenier, journaliste collaborateur

J’ai rêvé en noir et blanc. Je sais, ça semble bien triste, ce rêve, à travers tous nos rêves en couleurs… Mais je vous assure que c’était un rêve apaisant. 

Rêver en couleurs

On rêvait en couleur, au millénaire passé, en se disant que la révolution informatique et les gains de productivité qu’elle allait engendrer nous laisseraient du temps pour vaquer à loisir à d’oisives occupations. Car on le sait, ce gain d’efficacité et la rapidité folle à laquelle se passe 1000 choses en simultané dans nos cybervies n’ont fait qu’accentuer les pressions sociales de performance et de productivité 

Cauchemarder en couleurs

Voilà cependant que le rêve informatique est devenu cauchemar. Les liens humains dans les entreprises? Oubliez : mieux vaut l’envoi d’un simple courriel. Tentez de joindre quelqu’un au téléphone : vous risquez plutôt de tomber sur une boîte vocale qui vous dira vers quelle page web vous diriger.

L’étendue de ce cauchemar en couleurs est telle que se déconnecter et faire la coupure entre études, travail et vie privée relève quasiment de l’impossible. Vous passiez une belle soirée, jusqu’au moment de consulter l’heure sur votre téléphone cellulaire, vers les 21 h. Une notification de monPortail vous apprend que vous venez d’échouer à votre dernier examen. Il faut admettre que c’est un problème que l’on ne rencontrait pas du temps de la remise des résultats d’examens en classe. 

Que dire, aussi, de la cyberdépendance et de la surexposition aux écrans et des effets néfastes que cela peut avoir sur le sommeil, la mémoire, l’anxiété. Réfléchissons un peu. Nous venons tous de passer 2 années confinées, du moins partiellement, à étudier et à travailler depuis notre chambre. Cela eût-il vraiment été possible à une époque non si lointaine, alors qu’Internet n’existait pas et que le monde ne pouvait tourner qu’en « présentiel »? La vie d’avant, à l’époque du papier et de la lenteur, nous aurait sans doute forcés à être créatifs et à affronter le virus autrement. Toutefois, étant donné qu’existait l’échappatoire du télétravail, nos gouvernements ont saisi cette opportunité facile afin de se parer du manteau de la prudence. Qu’il était beau mon rêve en noir et blanc!

D’ailleurs, le fait d’avoir en tout temps au bout des doigts un simulacre de présence par le biais de nos téléphones intelligents nous entraîne constamment dans de vaines conversations textos qui nous font trop souvent repousser la vraie conversation de vive voix avec ceux qui comptent vraiment. En effet cette présence, certes plus fréquente, mais surtout plus superficielle et artificielle, tend à se substituer à la véritable présence, celle qui est l’occasion de véritables conversations qui nourrissent l’âme et là font communier avec d’autres.

Vraiment j’ai fait un beau rêve. En noir et blanc. Sans écran de conversation, seulement de véritables conversations. Seulement de la chaleur et de l’humanité. De vrais contacts, et des amis au sens vrai du terme.

 

Consulter le magazine