Morale, quand tu nous étouffes

Dans notre univers obsédé par le risque zéro et par ce qui est politiquement correct, j’ai souvent l’impression que les citoyens se perdent dans un tourbillon de valeurs contradictoires. Avez-vous remarqué que les questions relatives à la santé et à l’environnement, après avoir passé le stade de la réflexion collective, tendent de plus en plus à devenir des dogmes qui ostracisent les récalcitrants? Alors que la société valorise comme jamais l’éducation et la liberté de pensée, elle définit parallèlement une morale parfois étouffante qui finit par s’institutionnaliser.

La cigarette en est probablement le meilleur exemple. Les stratégies visant à réduire la proportion de fumeurs dans la société québécoise ont porté leurs fruits. Malgré tout, le Québec traîne encore de la patte en comparaison avec d’autres provinces canadiennes. Interdire aux fumeurs d’exercer leur vice à l’intérieur d’endroits publics était une décision juste. Pas une question de morale, mais plutôt l’accomplissement de la volonté populaire. Ensuite, on est parti à la chasse aux fumeurs.

Difficile à croire, mais il y a toujours des parents qui fument en voiture en présence d’enfants. Plusieurs associations militent pour que le gouvernement sévisse envers ces gens par le biais de contraventions. Ça va clairement trop loin. À ce que je sache, la voiture est un lieu privé. Le gouvernement, via la police, n’a pas à y intervenir. À quoi bon pénaliser un parent qui enfume son enfant dans sa voiture? Ils sont de toute façon une toute petite minorité. Soyons réalistes. Si, au mieux, le parent en question se retient sur la route, l’enfant subira tout de même la fumée à la maison. Allons-nous créer une police du tabac qui fera du porte-à-porte?

C’est un peu la même chose pour l’environnement. Marcher avec un verre de styromousse est de mauvais goût. Ne pas recycler est mal vu, sans parler de conduire une voiture qui consomme trop de carburant. Il faut être écolo au nom de la morale sociale. Il y a pourtant une forte hypocrisie dans tout ça. En fait, qui est vraiment prêt à modifier radicalement ses habitudes de vie, et son confort, pour que la réalité corresponde aux valeurs? D’un côté, on pénalise financièrement les fumeurs, tout en comptant sur les revenus du tabac. De l’autre, on valorise les valeurs écologiques lorsque l’on mise d’abord sur l’économie. Pourquoi obéir à une morale qui, de toute façon, n’est qu’une façon de se donner bonne conscience malgré nos conneries?
 

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