Par 4 chemins, animée par Jacques Languirand à Ici Radio-Canada Première, n’est plus. Cela faisait 43 ans qu’il éclairait ses auditeurs sur des sujets variés, rythmant son programme de musiques peu connues et de son rire communicatif.
Âgé maintenant de 82 ans, l’homme de radio aurait pu quitter la barre de son émission il y a longtemps, mais sa passion l’a poussée à perdurer dans le temps, dans nos oreilles et surtout dans nos esprits. Brillant personnage, il a été journaliste, dramaturge, chroniqueur, directeur de son propre théâtre, metteur en scène, comédien et professeur. Il a aussi été dans les premiers à parler ouvertement de protection de l’environnement.
Outre la radio, Jacques Languirand fut également un homme de théâtre. À ce titre il écrivit onze pièces, dont plusieurs furent jouées en français et en anglais. Il fonda sa propre compagnie de théâtre, portant son nom, et son propre théâtre : Le théâtre de dix heures, actif de 1957 à 1958. Il fut aussi comédien dans quelques pièces et plus récemment, acteur dans le film « Mars et Avril », un film d’anticipation futuriste et philosophique.
Durant son parcours, monsieur Languirand s’est mérité une foule de prix et d’honneurs, mentionnons-en trois : Le prix du Gouverneur Général pour ses pièces « Les Insolites » et « Les violons d’automne », le prix Georges-Émile-Lapalme, pour la qualité et le rayonnement de la langue française et il est le 31e membre du Cercle des Phénix, pour son implication vis-à-vis l’environnement. Il est d’ailleurs porte-parole pour le Québec du Jour de la Terre.
« Je souffre beaucoup de mettre fin à ce qui a été ma plus grande joie, je vous ai beaucoup respecté, j’ai beaucoup aimé Radio-Canada […] J’ai beaucoup travaillé pour vous donner le goût, la curiosité de lire, de voir, d’entendre ce qui se passe à l’extérieur de nous, mais aussi à l’extérieur de soi […] Je vous aime et je ne vous oublierai jamais. »
Par 4 chemins, c’était une occasion pour Jacques Languirand de vulgariser des ouvrages souvent titanesques, portant sur des sujets complexes et généralement intemporels.
Les émissions étaient divisées en thèmes, et Languirand passait en revues les auteurs qui en avaient parlé, en revenant dans ses notes de lectures. Un homme seul, monologuant sur ses lectures, il fallait bien Languirand pour rendre cet orage cérébral un tant soit peu digeste. Sans doute aurait-il continué encore quelques années , mais le temps l’a rattrapé.
Sa dernière leçon porta sur la modestie. C’est dans une entrevue avec un collègue et ami, Joel Le Bigot, que Jacques Languirand annonça son départ des ondes pour des raisons de santé. Son ami lui offrit alors un phare miniature, en lui souligna que c’est ce qu’il a été pour bien des gens.
La toute dernière émission a été diffusée le 1er février. Le sujet principal était la maladie d’Alzheimer, de l’auteure Marie Gendron. Monsieur Languirand a débuté son émission finale en mentionnant en être atteint, et que c’est la raison de son départ des ondes. Il a souligné qu’il ne faut pas en avoir honte. Il a passé sa vie à transmettre sa curiosité, sa soif d’apprendre et son goût de la lecture.
Il est ironique de penser qu’un érudit comme Languirand soit affecté d’une maladie de la mémoire. Même atteint de cette terrible affliction, il se peut qu’à sa mort il en connaisse toujours encore plus que vous et moi.