Mets-le au 3 !

L’industrie de la câblodistribution est injuste envers notre génération qui a une nouvelle manière de consommer la télé.

Nous consommons de plus en plus de données. Le prix de celles-ci ne reflète toutefois pas du tout cette augmentation. La télé est moribonde. Elle doit se transformer, mais le système fonctionne d’une manière qui est très préjudiciable envers les jeunes qui sont à l’avant-garde de cette transition. Une véritable injustice intergénérationnelle, amplifiée par le fait que ceux qui fournissent le contenu en sont également les producteurs.

Comme le démontrait Matthieu Dugal durant son émission spéciale sur la télévision de La Sphère, la télévision était auparavant à la fois un objet, et le contenu.

Les deux ont cependant connu de grands bouleversements. Bien que pratiquement tous les foyers canadiens possèdent toujours un poste de télé, la manière d’écouter le contenu a radicalement changé.

Aux États-Unis, par exemple, le nombre d’abonnés au câble traditionnel est passé sous la barre des 40 millions pour la toute première fois de l’histoire.

Les câblodistributeurs sont totalement déconnectés de leurs usagers. En 2013, le PDG d’un câblo américain, Tom Rutledge, s’est dit surpris que 1.3 million de ses clients ne désirent qu’un accès Internet et n’aient aucun intérêt pour la télé. Les jeunes ne sont tout simplement plus intéressés par le contenu traditionnel et migrent vers des services à la carte tels que Netflix et ICI tou.tv.

La grande fierté de Radio-Canada pour ICI tou.tv m’a d’ailleurs toujours grandement surpris. Il s’agit en effet d’un service médiocre, sans commune mesure avec la qualité habituelle de la société d’État.

Alors que les gens sont de plus en plus habitués à Netflix et à d’autres services de grande qualité, Radio-Canada offre des émissions pour une durée limitée, et ce, en basse résolution. Une preuve, s’il en faut une, de l’incompréhension des habitudes de consommation de la nouvelle génération.

Une incompréhension qui peut représenter un grand danger pour les jeunes. En effet, le fait que les câblodistributeurs soient également producteurs du contenu télévisuel entraîne un énorme ralentissement de l’innovation dans le domaine télévisuel.

C’est totalement absurde que le téléviseur de nos parents puisse rouler 24/7 en HD sans surcharge alors que nos forfaits uniquement Internet nous coûtent jusqu’à 10$ le Go supplémentaire. Avec la télé numérique, le coût est le même pour les câblos, un Go est un Go.

Le grand problème est que les distributeurs de contenu télévisuel sont également les principaux fournisseurs Internet. Ils peuvent eux-mêmes fixer les règles du jeu. Imaginez l’ampleur du problème lorsque ces distributeurs produisent eux-mêmes ce qu’ils mettent dans nos écrans.

La situation est particulièrement critique au Canada où 81,4% du marché de la télédistribution est détenu par des compagnies qui produisent également du contenu. Ce chiffre baisse à 23 % aux États-Unis.

Cette concentration et cette hésitation à laisser tomber la télé câblée traditionnelle entraînent de nombreux problèmes pour les étudiants. Nous désirons utiliser notre connexion Internet pour accéder à du contenu audiovisuel alors que les grandes compagnies de distribution font tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher ce changement puisqu’ils n’ont aucun incitatif à modifier leurs pratiques.

Le responsable du contenu chez Netflix, Ted Sarandos, affirmait même en 2012 que « Le problème au Canada c’est qu’ils ont un accès à Internet digne du tiers-monde […] C’est pratiquement une violation des droits de l’homme ce qu’ils chargent pour Internet au Canada ».

Prenez par exemple un fan inconditionnel de la série Game of Thrones, il est possible qu’il n’ait jamais écouté un seul épisode sur la télé câblée. En effet, il est beaucoup plus simple d’obtenir la série sur Internet le lendemain de sa mise en ondes (The Oatmeal a fait un savoureux dessin sur cette question ).

On observe ici un comportement qui en dit long sur l’avenir de la télé. Les grands fournisseurs de service ont commencé à offrir des forfaits à la carte permettant de choisir un ou plusieurs canaux de télé.

Les consommateurs veulent toutefois choisir les émissions à la carte, pas seulement les canaux. Ainsi, de la même manière qu’on doit s’abonner à Home & Garden TV alors que l’on désire HBO est rétrograde, avoir à s’inscrire à HBO afin d’avoir accès à une ou deux séries très précises est tout autant rétrograde.

L’innovation est donc ralentie par les pratiques rétrogrades des acteurs du milieu télévisuel. Les coûts exorbitants, la vitesse très lente des connexions ainsi que les plafonds imposés à l’Internet québécois empêchent d’autres compagnies novatrices d’offrir à un coût raisonnable des services populaires chez les étudiants, grands consommateurs de données.

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