Je vous l’avoue d’emblée, j’ai volé le titre de ma chronique à une lettre ouverte rédigée à la fin du mouvement de grève du Printemps 2015 (cliquez ici) par quelques dizaines d’étudiant(e)s de l’Université Laval, alors que plusieurs assemblées venaient de décider de rentrer en classe, devant l’échec de la mise en place d’un mouvement social contre l’austérité et l’exploitation des hydro-carbures.
Avec maintenant trois ans de recul, cette petite citation de Karl Marx qui brulait les lèvres de plusieurs prend tout son sens : « L’histoire se répète, tout d’abord comme une tragédie, après comme une farce. »
Je ne veux absolument pas dire que les revendications en 2015 n’étaient pas légitimes – au contraire, elles le sont d’autant plus aujourd’hui – mais il y avait une étrange nostalgie dans ce qui s’avéra être une répétition un peu tiède de la grève étudiante de 2012.
On pourra toutefois en tirer des leçons. Un mouvement doit se construire par la base, à partir des réalités vécues par les personnes, et ainsi porter leurs sentiments. La réussite de 2012 résidait dans la protection d’un acquis : bastion social-démocrate égalitaire dans l’imaginaire d’une bonne partie de la population, le Québec n’allait tout de même pas laisser tomber ses étudiant(e)s.
L’échec de 2015 était celui de notre époque : l’absence de projet.
Fallait vraiment que j’vous lise
Certain(e)s s’y reconnaitront, j’ai repris la fâcheuse habitude d’accumuler des livres sur le coin de mon bureau depuis quelques mois. Cette fameuse pile « à lire » qui, depuis ma première année de baccalauréat, ne cesse d’augmenter. Qu’on se le dise, il y a de bonnes choses qui se pensent, se disent et s’écrivent au Québec. Il suffit d’oser s’y intéresser.
Ne renonçons à rien est d’une simplicité désarmante, à une époque où on ne sait plus donner de la tête. Je vous parle du livre de la tournée Faut qu’on se parle, réalisée à l’automne 2016. La démarche : dix assemblées publiques dans dix villes pendant lesquelles les participant(e)s étaient invité(e)s à discuter de divers enjeux actuels au Québec, puis à émettre des propositions concrètes et éventuellement en mesurer la popularité. Ensuite, les membres de la tournée ont parcouru le Québec pour aller écouter les propositions des gens à l’extérieur de leurs propres cercles, du monde médiatique, et des villes.
Je ne vous en dit pas plus, en vous lançant l’invitation à lire le petit bouquin qui est né du processus. Une véritable fleur au printemps. Une bouffée d’air frais, qui permet de réaliser que nous ne sommes pas seuls à trouver que novembre s’étire depuis plusieurs années.
Demain prend tranquillement place
Je lisais la semaine dernière qu’il faut toujours se ranger du côté de la jeunesse, car elle prendra bientôt la place des plus vieux, et qu’inévitablement, elle les enterra. Les failles du système paraissent d’ailleurs toujours plus évidentes à une personne qui n’est pas encore socialisée – idem pour les personnes en situation d’immigration.
Comme au printemps, plus que jamais (ou plutôt, autant qu’il ne faudrait jamais l’oublier), des conditions sont réunies pour voir des fleurs pousser. Économie sociale, santé, centres de la petite enfance, transition énergétique, maintien du tissu communautaire et social : autant de questions à poser que de réussites à célébrer. Sans oublier le mouvement #metoo et les nombreuses initiatives qui en ont découlé, qui posent, une dénonciation à la fois, les bases d’une sexualité construite autour du consentement et du plaisir.
Il ne faudra toutefois pas retomber dans le panneau de planter une graine et d’attendre que fleurissent les pavés. Il faudra cultiver dans toutes nos sphères d’actions, un geste à la fois, l’espoir d’un « autre » monde, que je me garderai de qualifier de meilleur. C’est bien là toute l’incertitude qu’engendre la liberté.