Livres Crédits : Hubert Gaudreau 3 septembre 2013

Avant je criais fort : une pause qui fait du bien

Une lecture qui se prend à petite dose et qui nous impose de nous arrêter pour un instant : que c’est agréable. Partant de la prémisse que la prise de position sur la place publique n’est plus un art, mais plutôt un droit que tout un chacun utilise jusqu’à l’abus, Jérémie McEwen nous propose un recueil de plusieurs petits essais qui nous invite à « philosopher » plutôt qu’à imposer ses pensées.

Lorsqu’on lit le quatrième de couverture de ce recueil d’essais philosophiques, on sent que l’auteur cherche à décrier une situation qui prend de plus en plus de place dans nos quotidiens. Il n’est plus possible aujourd’hui d’écouter la radio, de lire le journal ou de consulter son fil d’actualité Facebook sans être confronté à des opinions bien arrêtées sur tels ou tels sujets. L’auteur souhaite redonner aux lecteurs le pouvoir de bâtir soi-même son opinion, en prenant le temps dévaluer toute la complexité d’une question, et non pas de s’en faire imposer une.

Lorsque l’auteur pense à Serge Bouchard, le renommé essayiste et animateur de radio, il voit un interlocuteur qui ne cherche pas à imposer, mais plutôt à discuter. Une qualité qui est devenue trop rare, selon le professeur de philosophie au Collège Montmorency. C’est pourquoi Jérémie McEwen propose de modifier le journalisme d’opinion en journalisme de réflexion. Comment faire? En présentant au public des informations de qualité qui ne cherchent pas à convaincre, mais plutôt à conceptualiser. Et pour cela, il suffit seulement de faire confiance en la qualité de discernement et de réflexion du public.

Démocratiser la philosophie

Ironiquement, la conclusion de ce document me semble être le modus operandi de l’auteur. Il souligne que, selon lui, « être un bon philosophe est de mettre parfois de côté mes livres, et de retourner dans le monde concret ». Tout au long de son ouvrage, le penseur cherche à démocratiser la philosophie.

Il peut sembler alarmant de rencontrer, au courant de la lecture, des œuvres comme le Léviathan de Hobbes ou les Méditations de Descartes. Par contre, l’auteur aborde de telles œuvres seulement pour porter la réflexion, sur des sujets aussi banals que l’humour ou le pardon, à un autre niveau. Après la lecture de quelques textes, il semble que la compréhension n’est pas freinée par la complexité des théories utilisées, et ce, peu importe le niveau d’expertise en philosophie.

Un cahier d’exercices

La majorité de ces essais semble plutôt être là pour exercer le lecteur à utiliser son sens critique et de réflexion. L’auteur ne cherche pas à consolider son idée de départ en nous montrant constamment les deux côtés d’une médaille sur des sujets chauds de l’actualité. Il cherche plutôt à nous révéler une nouvelle façon d’évaluer les choses. Par exemple, comment perçoit-on le mensonge? La majorité du temps de façon négative. Pourtant, il est vrai que l’on accepte la présence du mensonge dans nos vies. Lorsqu’on visionne un film de science-fiction, on accepte que tout soit mensonge et invention. On accepte même le mensonge dans le domaine scientifique avec les traitements placébos. L’auteur ne cherche donc jamais à nous dire quoi penser, seulement nous présenter le fait que tout n’est pas blanc ou noir.

L’élément le plus agréable de cette publication est d’être en contact avec de grands philosophes, mais par petites doses. Jamais les pensées de Nietzsche ne m’ont semblé si accessibles. Il suffit d’accepter assez tôt dans la lecture que l’auteur ne touchera pas aux sujets animés que les chroniqueurs abordent tous les jours dans les médias. Après avoir agréé cette prémisse, la lecture de ce recueil d’essais philosophiques est remplie de belles rencontres et de petites pauses pour porter nos introspections à terme.

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