La radicalité des uns fait le bonheur des autres

Trop de fois lors de cette campagne électorale, des commentateurs politiques ont targué Québec Solidaire de parti « radical », image qui colle particulièrement bien à la peau de Gabriel Nadeau-Dubois, connu depuis la grève étudiante de 2012, et d’Amir Khadir, coloré personnage ayant longtemps été le seul député de la formation politique. Qu’en est-il vraiment des propositions du parti ?

Il est déjà intéressant de s’attarder à la définition du terme radical. Galvaudé dans l’espace public et brandi en épouvantail dans une société québécoise du compromis et de la conformité, la radicalité correspond, selon le Larousse, « à la nature profonde des choses, à l’essence d’un être ou d’une chose » et présente « un caractère absolu, total ou définitif ». Les propositions de Québec Solidaire m’apparaissent en ce sens, radicales… mais la situation sociale et environnementale actuelle ne nécessite-t-elle pas un certain nombre de réformes en profondeur ?

Parlant de profondeur, Québec Solidaire propose une réforme de la fiscalité, permettant à une majorité de personne de payer moins d’impôts, et dégageant des revenus supplémentaires de l’ordre de 600 millions de dollars, sans compter les nouvelles sources de revenues comme Pharma-Québec, qui engendreraient un peu plus de 12 milliards de dollars. Avec cet argent, les solidaires entendent engager l’économie québécoise dans la transition écologique, fournir une assurance-dentaire à tous et toutes, réduire les tarifs du transport en commun, réaliser la gratuité scolaire… et la liste se poursuit.

Si le Québec et sa population cherchent un « vrai » changement, comme on l’entend sur toutes les tribunes, et un nouveau projet de société, il faudrait éventuellement s’ouvrir à l’audace de réformer en profondeur nos institutions, qui ne sont plus à même de palier aux différents problèmes sociaux découlant du capitalisme et de sa forme actuelle, le néolibéralisme. Fini les épouvantails, discutons-en, sérieusement.

Une radicalité qui vend

La radicalité, particulièrement avec les médias sociaux qui permettent une polarisation toujours grandissante autour des enjeux de société, se vend plutôt bien : elle force à prendre position. La Meute, pourtant un groupe marginal, tant par son nombre que par ses idées, se retrouve souvent au cœur de l’actualité.

Québec Solidaire, à sa façon, a été longtemps marginal et aussi sur-représenté dans les médias… pour le meilleur et pour le pire. Le député Amir Khadir, par son franc-parler, ses actions colorées et la justesse de ses indignations, fournissait beaucoup de matériel pour les collègues journalistes sur la colline.

Le fait est, toutefois, qu’un parti qui propose des réformes calquées sur le gouvernement Macron en France (au mieux centre-droite) ou May en Grande-Bretage (littéralement conservateur) pourrait difficilement être qualifié de « radical ». Idem lorsqu’on réalise que le plan de transition du parc automobile proposé par QS est fortement inspiré de celui des constructeurs de véhicules.

De radicaux improvisateurs

Pardonnez-moi l’élan de romantisme, mais je préfèrerai toujours un projet politique assumé à la gouvernance par les sondages et le marché. Les quelques fois où le Québec a pris le pari de se tenir debout et de construire, ont résulté en des réformes sociales encore enseignées comme modèles aujourd’hui.

La taille de l’État inquiète peu lorsque vient le moment de financer nos routes (un peu plus de 20% du budget québécois), nos Centre Vidéotron (400 millions), nos troisièmes liens (10 milliards), nos Bombardier (3,3 milliards). Tout ce qui peut assurer le maintien en place de forces sociales et assurer la réélection devient envisageable, quitte à casser du sucre sur l’immigration et à promettre du béton et de l’asphalte.

La question n’est pas de savoir si nous avons les moyens d’être ambitieux, mais bien de refuser fermement de voir nos finances publiques être drainées dans des projets de développement qui favorisent l’enrichissement de quelques individus, au détriment de la collectivité.

Entre un « nous » radical et défini par le collectif et l’improvisation des quelques « je » au sommet de notre 1% québécois, mon choix est fait. La partie de Monopoly est finie.

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