Thèsez-vous : Se poser, s’outiller et rédiger

Écrire sa thèse : un exercice profondément pénible et traumatisant pour plusieurs thésards. Afin d’aider ces derniers à traverser cette étape-clé des études aux cycles supérieurs, une doctorante en psychopédagogie de l’Université de Montréal propose Thèsez-vous, une retraite de rédaction interuniversitaire et interdisciplinaire de trois jours.

C’est en travaillant sur sa propre thèse que la doctorante Sara Mathieu-Chartier a eu l’idée de Thèsez-vous. Attablée dans un petit café pour avancer ses propres écrits, elle voit passer une annonce de retraite de rédaction en Angleterre, où elle avait auparavant fait un stage.

Emballée par l’idée, elle publie un message sur Facebook afin de sonder l’intérêt de son réseau social pour cette initiative. Et là, c’est le déluge. Inondée par des réponses plus que positives, submergée par des courriels dithyrambiques, elle est prise dans ce qu’elle qualifie elle-même de « tourbillon d’intérêt ». « Je me suis alors sentie responsable d’en organiser une. C’était bien trop populaire pour ne pas répondre à la demande », raconte-t-elle.

Assistée par Émilie Tremblay-Wragg et Catherine Déry, deux collègues elles aussi en sciences de l’éducation, elle organise alors une première retraite quelque peu informelle… mais tout de même fondée sur des données probantes, question « d’endosser les meilleures pratiques possibles dès le départ ».

La première édition de Thèsez-vous, qui a eu lieu du 12 au 14 juin dernier à Saint-Alphonse-Rodriguez dans Lanaudière, a réuni 40 étudiants issus de toutes les institutions universitaires québécoises. Un franc succès qui, selon Sara, « nous a convaincues que l’expérience valait la peine d’être répétée ». En fait, elle-même a rédigé presque un chapitre complet de sa thèse durant le séjour !

Seconde édition

En vue de la seconde édition de Thèsez-vous, qui aura lieu du 8 au 10 décembre 2015 au Couvent Val-Morin dans les Laurentides, quelques changements seront néanmoins apportés à la formule originale. « Un questionnaire distribué parmi les participants de la première édition nous a permis de constater que la qualité de la nourriture et du sommeil n’était peut-être pas optimale », convient Sara.

Surtout, elle a constaté une ouverture de leur part pour payer plus que le coût original demandé. Elle y voit là une preuve du besoin des thésards « d’accélérer le processus de rédaction en reconnaissant les conditions et contextes qui y sont favorables ». Elle lance alors, avec Émilie Tremblay-Wragg et deux entrepreneur sociaux, David Gobeille Kauffman et Marie-Eve Ferland, un organisme à but non lucratif nommé Blitz Paradisio. Le but : systématiser la démarche et la rendre récurrente, à raison de 2-3 fois par année.

Car, au-delà du manque d’outil, c’est la détresse psychologique et l’isolement vécu par certains qu’elle veut soulager au travers de son initiative. « Ça m’a frappé : les étudiants aux cycles supérieurs ont besoin d’échanger sur les défis et difficultés qu’ils vivent tous avec leur rédaction, lance-t-elle. D’autant plus que le soutien dont ils profitent de la part de leur directeur et de leurs institutions est très variable. »

Au menu

Concrètement, en quoi consiste une retraite de rédaction à la sauce Thèsez-vous ? Tout d’abord, un cahier de formation est remis à chaque participant à la suite de leur inscription afin qu’ils établissent des objectifs.

D’ailleurs, l’identification et la fixation d’objectifs font l’objet d’un atelier récurrent dès le début de chaque retraite. « C’est souvent de là que partent les problèmes. Les gens ont tendance à se fixer des buts peu réalistes et opérationnels », explique Sara Mathieu-Chartier.

Ensuite, deux autres ateliers animés par des professeurs ou des professionnels de la rédaction sont offerts plus tard lors de la retraite. Lors de la seconde édition, la professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval et auteure du livre Assieds-toi et écris ta thèse (Presses de l’Université Laval, 2014) Geneviève Belleville animera l’un des deux. « Ce livre-là a changé le rapport à la rédaction de bien des gens », assure la doctorante en psychopédagogie.

Et le reste du temps ? Plus de 17 heures de rédaction pour avancer son mémoire ou sa thèse, des activités pour s’aérer l’esprit et des occasions pour socialiser sont au programme. Le tout, sur fond d’effluves de café et de gruau, gracieuseté du café Larue et Fils et d’Oatbox, deux commanditaires de l’événement. « Parce que la rédaction, ça demande de l’énergie ! », s’exclame-t-elle.

Aux dernières nouvelles, il restait encore quelques places sur les quarante disponibles pour la seconde édition de Thèsez-Vous. Il en coûte de 200 $ à 230 $, selon que vous préfériez une chambre partagée ou privée. À peu près toutes les universités, dont l’Université Laval, seront représentées par des étudiants issus des programmes les plus divers.

Une question de santé mentale

Entrevue avec Geneviève Belleville, professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval, auteure du livre Assieds-toi et écris ta thèse (Presses de l’Université Laval, 2014) et collaboratrice de la seconde édition de Thèsez-vous

Q : À quoi attribuez-vous le succès de votre livre ?

R : Il répond à un besoin, que je ne pensais pas si grand, des étudiants universitaires d’avoir de l’information pratique sur l’écriture d’une thèse ou d’un mémoire. Règle générale, on manque cruellement d’information et de direction.

Q : Pourquoi avoir accepté de collaborer à Thèsez-vous ?

R : Parce que je trouve ce projet original, opportun et à propos. Je vois passer beaucoup d’étudiants et d’étudiantes et je trouve que c’est important de leur donner des outils qui leur permettent d’avancer dans leur rédaction sans perdre leur santé mentale.

Q : Perdre sa santé mentale ?

R : Oui, il y a beaucoup de détresse vécue à cette étape précise. Parmi les hypothèses pour l’expliquer, mentionnons le manque de directives, les enjeux majeurs, la tendance perfectionniste des étudiants aux cycles supérieurs et le contexte favorable à la procrastination. Dans mon livre, je consacre un chapitre complet à ceux que je nomme « les traumatisés de la thèse ».

Q : Si vous n’aviez qu’un seul conseil à donner aux thésards, quel serait-il ?

R : On ne peut pas rédiger après une journée de travail, ni les soirs et les fins de semaine. La rédaction est un travail en soi et il doit être considéré ainsi.

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