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La liberté d’expression à l’ère des réseaux sociaux numériques

Dès lors où un propos est publié sur Internet, il se propage à travers le monde. Sa bonne interprétation n’est pas garantie. À tel point que l’on peut en perdre le contrôle et en ignorer les effets. La perversité des réseaux sociaux numériques n’est plus une conséquence relative à chacun. À cause de son caractère multiforme, cette perversité pouvant atteindre quiconque est devenue l’affaire de tous. Comment prévenir les effets pervers de nos libertés à l’ère des réseaux sociaux numériques ?

Par Joyce Shabani, cheffe de pupitre société

Essor des réseaux sociaux

S’il y’a bien une invention qui a changé à tout jamais nos modes de vie, ce sont les réseaux sociaux numériques. Tous très différents, ils parviennent à rassembler des milliards de personnes grâce à un principe commun : le partage d’informations. Facebook compte en 2,9 milliards d’utilisateurs actifs en 2022. Quant à Tiktok, la plateforme amasse 1,7 milliard d’utilisateurs actifs.1 L’apparition de plateformes établissant un lien direct entre l’information et l’utilisateur change radicalement les interactions, principalement car chacun a un avis à défendre et à faire valoir sur la place publique. La liberté d’expression est désormais au centre de l’attention lorsqu’il s’agit de modérer son propos sur Internet. Décrite comme étant au cœur de l’individualité humaine par le gouvernement canadien, la liberté d’expression est dans toutes les bouches chaque fois qu’un scandale retentit sur la toile. Et pour cause, c’est au nom de la liberté que chacun exprime son ressenti lorsqu’une nouvelle est publiée, qu’importe le sujet. Toujours au nom de la liberté, d’autres ressentent le besoin de partager leur vie personnelle (les influenceur.euses par exemple), voire même leurs vies privées. Cela dit, des effets pervers de plus en plus nocifs se manifestent au fil des années par rapport à ce genre de pratiques. La pertinence voire l’utilité de ces agissements est remise en question, car on ne sait plus placer les limites de la liberté d’expression à l’ère où tout semble permis sur Internet.

Est-ce le bon débat ?

La liberté d’expression ne devrait sûrement pas être un principe à questionner. Bien qu’elle soit maintenant ancrée dans la société, elle n’a pas toujours été acquise donc il est nécessaire de l’apprécier à sa juste valeur. Cependant, le numérique bouscule cet ordre car d’autres modalités entrent en jeu. Le numérique offre naturellement un espace de communication, de sorte que chacun puisse continuellement s’exprimer sur n’importe quel sujet. Les abus sont donc de plus en plus fréquents sur le web et semblent se démocratiser, comme si ce n’était pas dérangeant. Le fait d’injurier sur la place publique, d’humilier, de calomnier des personnalités ou encore de mépriser des communautés est devenu commun. Dans la mesure où ce n’est peut-être pas agréable, mais pas non plus punissable, nous nous y accommodons et l’adoptons comme une norme. Le curseur se place donc entre l’utilité et la nécessité de dire certaines choses. Y’a-t-il des questions à se poser avant de publier un propos ? Ou dans la mesure où nous sommes libres de dire quoi que ce soit, nous pouvons le faire pleinement sans contrainte ? Ainsi plusieurs débats s’opposent. Ceux-ci s’illustrent parfois par diverses polémiques qui ont fait le tour du monde. Notamment celle de Milla, jeune femme française qui s’exprimait en janvier 2020 à propos de l’Islam. Sur la plateforme tiktok, la jeune femme se filmait en soutenant : « Le Coran est une religion de haine, l’Islam c’est de la merde ». Ces propos ont été rapportés sur de nombreux médias internationaux différents et il s’en est suivi une déferlante médiatique opposant deux types de personnes. Il y avait des personnes qui l’ont soutenue inconditionnellement au nom de la liberté d’expression et d’autres qui s’opposaient clairement à son propos blasphématoire. Puis, il y a une troisième catégorie de personnes qui apparaissent : ceux qui se questionnent simplement sur la pertinence de dire certaines choses. Ce n’est ni un signe d’opposition à la liberté d’expression ni un signe de soutien envers un avis particulier. La question se focalise surtout sur la légitimité de donner un avis qui peut heurter des personnes et qui de plus, ne sera profitable à personne. Si ce n’est pas un propos incitatif ou informatif (particulièrement important), à quoi bon tenir des propos qui n’ont aucun bienfait ? Puisque ce n’est pas condamnable, on n’aura pas vraiment de réponses à apporter. La question restera, de fait, en suspens.

Comment y réagir ?

Face à cet enjeu, on observe tout de même une brève augmentation de condamnations qui découlent de querelles numériques. Ce sont souvent pour diffamation et incitations à la haine qu’il y a ce type de plaintes et de condamnation. Perçus comme une cour de récréation, les réseaux sociaux sont maintenant un endroit où les personnes ne modèrent plus leur propos donc ces rappels à l’ordre se font nombreux et de façon très récurrente. On pourrait penser que ce serait pour teinter cet esprit peut-être trop libéraliste qu’inspirent les réseaux sociaux de nos jours. Finalement, on pourrait en arriver à devenir liberticide puisque les plateformes ne sont pas vraiment réglementées et constituent un danger constant. Cela se confirmera probablement dans les prochaines années avec l’apparition de nouvelles plateformes et de nouveaux fonctionnements.

1 Données statista

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