Depuis samedi dernier, le PEPS est pris d’assaut par Venus Williams et une vingtaine d’autres joueuses de la Women’s Tennis Association (WTA) à l’occasion de la Coupe Banque Nationale. Au menu : des échanges enlevants, des duels épiques, mais surtout, des cris tonitruants.
« Aaaaah… » « Euhhhh… » Quiconque a déjà assisté à un match de tennis sait que les cris émis par certains athlètes lorsqu’ils frappent les balles peuvent être bruyants, pour ne pas dire assourdissants. Cette pratique, nommée « grunting » (grognements) dans la langue de Shakespeare, est présente tant chez les tennismen que les tenniswomen, et ce, à des degrés divers.
Rafael Nadal, les sœurs Williams et Maria Sharapova (dont les cris dépassent, semble-t-il, les 100 décibels) sont tous des crieurs reconnus. La palme revient toutefois à la joueuse portugaise Michelle Larcher de Brito qui, lors de la finale des Internationaux de France en 2009, aurait atteint le niveau record de 109 décibels, soit l’équivalent du bruit émis par un marteau piqueur ou un concert rock!
Évidemment, à ces intensités, les cris deviennent vite importuns pour les adversaires et pour les spectateurs. Le problème est tel qu’en 2012, la Fédération internationale de tennis, la Women’s Tennis Association et les bonzes des quatre tournois du Grand Chelem ont annoncé des mesures concrètes pour les restreindre, voire les chasser pour de bon. On pensait, par exemple, équiper les officiels de « grunt-o-meter » afin de mesurer en direct les niveaux sonores émis par les athlètes. Deux années plus tard, cette mesure se fait toujours attendre.
Une manière de déconcentrer
Si le sujet suscite autant de controverse, ce n’est pas uniquement à cause de son aspect dérangeant, mais aussi parce qu’il est perçu comme une manière de déconcentrer ses adversaires afin d’obtenir un avantage indu sur ces derniers. Certains joueurs vont même jusqu’à qualifier cette pratique de « tricherie », rien de moins!
Or, une étude réalisée en 2010 semble confirmer cette version des faits. Les chercheurs ont demandé à des volontaires de regarder une vidéo dans lequel un joueur de tennis frappait une balle à la gauche ou à la droite du terrain. Aléatoirement, un son externe autre que celui de la raquette était entendu au moment où la balle était frappée, de manière à simuler l’interférence causée par un cri. Tout au long de l’expérience, les volontaires se devaient d’indiquer le plus rapidement possible la trajectoire suivie par la balle.
Les résultats ne laissent planer aucun doute : les participants ont réagi moins rapidement — de 21 à 33 millisecondes plus lentement en fait — en entendant un son externe au même moment où la balle est frappée. Pire, leur taux d’erreur quant à la trajectoire suivie par la balle a été plus élevé de 3 à 4 %, une hausse significative.
Efficace et nullement taxant
À ces données déjà éloquentes viennent s’ajouter d’autres tout aussi persuasives. En avril dernier, une équipe de l’Université du Texas a remarqué que les cris augmentent significativement le rendement physique de jeunes joueurs de tennis. Comparativement à une condition « muette », crier a amélioré à la fois la vélocité de leurs balles, la force exercée sur leur manche de raquette et l’activité musculaire de leurs muscles abdominaux et pectoraux.
Des conclusions qui ne sont pas sans rappeler celles auxquelles a abouti cette autre étude publiée en juillet dernier : selon les chercheurs, les cris améliorent non seulement la vélocité de la balle, mais ils le font en n’affectant pas les réponses physiologiques ni la perception de l’effort. Autrement dit, crier est à la fois efficace et nullement taxant!
Bien entendu, l’état actuel de la science ne permet pas de conclure définitivement sur le sujet. Mais une chose est sûre : la polémique autour des cris au tennis a encore une longue vie devant elle.