Briser le tabou de la violence des patients en milieu hospitalier

À la suite du partage du documentaire Des soins aux poings sur les médias sociaux, des étudiants en sciences infirmières ont voulu témoigner, sous le couvert de l’anonymat, de ces violences verbales et physiques dont ils sont témoins dans le milieu professionnel.

Ces excès sont banalisés à cause de leur fréquence et sont souvent le résultat d’impatience ou d’incompréhension de la part des malades. C’est ce que déplorent trois étudiants rencontrés par Impact Campus.

« Je me suis déjà fait cracher dessus, frapper, grafigner, mordre », se désole l’étudiant A , dont le témoignage est semblable aux autres en ce qui a trait à la violence physique.

L’étudiante C amène un exemple plus concret. Lorsqu’un de ses patients est devenu agressif, elle ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait et elle a reçu un coup sur le bras. C’était anodin pour elle et ça ne l’a pas traumatisé, mais l’incident a été inscrit dans un rapport, ce qui l’a poussée à en parler avec son équipe. La jeune infirmière insiste que ces gestes peuvent être compréhensibles, car « on rentre dans leur bulle et il faut s’attendre à avoir ce genre de réactions ». Elle souligne d’ailleurs que ces évènements sont rares.

Cependant, la violence verbale semble être la plus répandue dans le milieu hospitalier. Tout le monde est au courant, mais certains n’y sont pas confrontés directement, dépendamment de leurs fonctions, de leur statut ou de leur département. C’est du moins ce qu’illustre la synthèse des différents témoignages.

Une violence banalisée

« Ça touche tout le monde, mais notre manque d’expérience va peut-être nous toucher davantage. Ce qui est triste, c’est que ça arrive tellement souvent que ça ne nous dérange même plus », lance l’étudiante B. Une violence qui serait due, selon elle, à l’impatience liée aux longues heures d’attentes et/ou à l’incompréhension des patients.

Les trois étudiants avouent que l’urgence, les services psychiatriques et la gérontologie sont davantage propices à ces altercations. Tous soulignent également que le contexte est important et que la situation diffère dans chacun des cas. Dans un tel environnement, l’étudiant A précise qu’il « peut arriver que des personnes comme toi et moi soient violentes ».

Au niveau psychologique, les étudiants ne se disent pas anxieux avant d’aller travailler. Ils sont même réjouis, comme le précise l’étudiante C. « J’aime beaucoup mon milieu de travail et la relation d’être qu’on a avec nos patients ». Le mot d’ordre est « qu’il ne faut pas se laisser affecter, car le travail continue » selon l’étudiant A. Les superviseurs, la salle des employés, voire les proches, constituent des exutoires afin de passer à travers ces accrocs réguliers, d’après leurs dires.

« S’il le faut, on en parle à l’assistante infirmière-chef ou à la chef d’unité, mais après ça on se demande où sont les limites. Ce n’est pas normal de se faire traiter comme ça quand tout ce qu’on veut faire, c’est aider les gens», regrette l’étudiante B.

Le regroupement CHU de Québec fait régulièrement appel à des stagiaires de l’Université Laval. Rejoint par Impact Campus, il mentionne qu’il détient un recueil des politiques et des procédures, qui définit les termes et fonctions de chacun des acteurs. Le volumineux document indique les grandes lignes des actions à adopter en cas de tels incidents.

Une meilleure prévention ?

Avec du recul, les étudiants auraient aimé être davantage préparés avant d’entamer leur stage ATE. « Cette violence est beaucoup plus présente que ce qu’on nous en dit à l’école. Moi, je ne m’y attendais pas », exprime l’étudiant B.

Dans le cadre de leur baccalauréat, tous les futurs infirmiers doivent participer au programme d’Alternance Travail-Études (ATE). Il s’agit de plusieurs stages rémunérés durant lesquels il faut cumuler un minimum de 250 heures pour obtenir la validité du diplôme.

Joint par téléphone, Yves Bonnier Viger, professeur au Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval, indique que les étudiants abordent la question de la violence dans le cadre de l’externat en dernière année. « Ce n’est pas abordé dans l’optique où les patients pourraient avoir de la violence face au personnel soignant, mais on aborde la problématique de la violence conjugale, de la négligence, notamment avec des intervenants», conclut-il.

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