Chronique d’un parlementaire de 5 jours

Fermez les yeux et écoutez le bruit des verres des luminaires qui s’entrechoquent. C’est doux, c’est calme… « C’est le son de la démocratie ». Cette dernière phrase, chaque participant au Parlement Jeunesse du Québec la connait.

Impact Campus a introduit la semaine dernière le Parlement étudiant du Québec, plus couramment connu sous son diminutif de PEQ. Cette semaine, Impact propose une incursion dans le milieu du Parlement Jeunesse du Québec (PJQ), simulation parlementaire qui existe depuis 65 ans et véritable institution où la politique n’a pas de parti pris.

Une mise en garde s’impose toutefois aux potentiels intéressés par l’expérience : rares sont les heures de sommeil lors de ces cinq jours de débats intenses. Entre les séances au Salon bleu, les travaux en commission parlementaire et les repas où chacun poursuit la discussion tenue en Chambre, il y a bien peu de temps pour s’assoupir ou profiter de la piscine de l’hôtel.

Non, le Parlement Jeunesse du Québec n’est pas pour les paresseux et les amateurs de grasses matinées. Alors qu’entre le 26 et le 30 décembre la grande majorité des jeunes Québécois en profitent pour vaquer à leurs occupations favorites, 104 d’entre eux s’introduisent dans une bulle politique pour tenter, à leur manière, de faire avancer des idées et de parfaire leurs talents oratoires.

Cette année, les ministres ont mis le paquet : droit collectif à l’information, redéfinition de l’intérêt supérieur de l’enfant, valorisation de l’art local et (surtout !), une loi sur la santé publique en matière d’alcool. Que ce soit lors des débats de principes, de l’adoption finale ou en commission, une chose est sûre : les esprits de chacun s’animent, s’agitent. Les yeux brillent, malgré la fatigue. Le café coule à flots, tout comme les opinions, les relances, les ajouts, les discordes… C’est ça, le PJQ.

Mais c’est aussi le sentiment terrifiant de se lever, au Salon bleu, dans cette enceinte historique de la démocratie québécoise, pour parler, alors que plus de 200 oreilles vous écoutent. C’est aussi réaliser la chance de pouvoir s’exprimer librement, ouvertement, au sein même de la forteresse de notre démocratie.

Balzac disait que le comptoir d’un café est le parlement du peuple ; peut-être. Reste que le Parlement lui-même impose le respect, l’écoute et l’empathie. C’est tout de même là, entre ces murs, qu’ont été prises de grandes décisions pour le peuple.

L’une des forces du Parlement Jeunesse est de ramener à l’avant le rôle primaire du député et la valeur de sa conscience. Puisque chacun n’est pas lié au fait qu’il siège d’un côté ou de l’autre de la Chambre, il peut s’exprimer librement, consciemment, sur les enjeux discutés. Être élu par ses concitoyens et pouvoir, une fois votre nom prononcé, vous positionner sur le projet de loi au nom de ceux que vous représentez, n’est-ce pas réellement ça, l’exercice d’une démocratie représentative ? Et pourtant…

Si le PJQ est une chance unique de pouvoir fouler les fleurs de lys du tapis, il offre une perspective différente du jeu politique et des idées qui le soutiennent. La réelle députée de Québec Solidaire, Manon Massé, observait attentivement le déroulement des travaux du haut de la tribune. Émue, elle était fascinée par le ton des débats et le respect mutuel qui alimentaient ceux-ci. Au fond, la politique, c’est d’abord l’affaire de comprendre l’autre dans son raisonnement, et de le respecter.

Quand le silence plane lors d’un moment de recueillement à l’Assemblée nationale, le bruit des verres des luminaires qui s’entrechoquent est calme, posé et doux. C’est ça, le son de la vraie démocratie.

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