Photo : Archive - Élia Barbotin

La démocratie à l’ère de l’abstentionnisme

La participation aux dernières élections a été particulièrement faible avec un taux légèrement supérieur à 66%. Cette tendance à l’abstention est plus élevée chez les jeunes alors que la plupart des partis semblent vouloir s’attirer les faveurs de cet électorat qui devient de plus en plus nombreux. Quel facteur provoque ce désintéressement de la population envers la politique et plus important encore, peut-on inverser cette tendance? François Pétry, professeur émérite et professeur associé de science politique, estime qu’il y a deux éléments principaux.

D’abord le manque d’information politique. La corrélation entre la connaissance politique d’une population et sa participation est très claire. Plus l’information est de qualité et accessible, plus l’électorat participera aux élections. Il est donc logique que les jeunes aient moins tendance à voter : «C’est presque mathématique si vous voulez, on s’attend à ce que les jeunes générations étant moins bien informées politiquement aient tendance à moins participer pendant les élections».

Ensuite, autre facteur très important, la déconnexion envers la politique traditionnelle. Sans nécessairement être mal informés, plusieurs se désintéressent de cette politique, mais s’engagent tout de même politiquement par d’autres moyens. On peut mentionner des pétitions, des manifestations ou du volontariat entre autres. Le phénomène serait amplifié chez les jeunes générations qui désirent faire entendre leurs voix par d’autres moyens que par cette politique traditionnelle.

Deux autres phénomènes qui affectent l’ensemble de l’électorat

Pour l’élection du 1er octobre 2018, deux autres facteurs sont à considérer. Premièrement, le fait que beaucoup de libéraux, surtout anglophones, n’ont pas voté. Sans nécessairement influencer grandement sur la quantité de députés élus, ça a certainement affecté la participation. Le professeur de science politique attribue ce phénomène à l’usure du pouvoir des libéraux.

Finalement, le second facteur qui a été relevé par plusieurs analystes durant la campagne est l’absence de débat de société. Les études l’ont prouvé depuis longtemps, quand une élection comporte un ou plusieurs débats de société, la quantité de votes est plus élevée. Le professeur précise que le Québec s’est bien souvent retrouvé face à ce type de débat qui a suscité l’intérêt des électeurs comme les deux référendums, la Charte des valeurs du Parti québécois et le mouvement étudiant de 2012. Cependant l’élection de 2018 a été marquée par l’absence de grand débat, alors qu’on retrouvait des partis quasi interchangeables : «En matière de libéraux versus caquiste, c’est quoi la différence? C’est un peu la question que se posaient les électeurs». Il fait cependant exception dans son analyse de Québec solidaire.

Les solutions à venir

Maintenant que les causes sont bien identifiées, l’étape la plus importante reste l’application de solutions viables. Quelles sont-elles ? Il y a, selon le chercheur, trois approches différentes pour inciter davantage les gens à voter.

La première est relativement intuitive : facilitez l’accès à l’information politique. Il note que plusieurs pays européens offrent un meilleur accès à l’information, notamment grâce à la présence dans les transports en commun de télévisions diffusant les informations en continu.

La deuxième solution serait de changer le langage politique et les moyens de communication pour attirer les jeunes, notamment par les médias sociaux, mais le professeur exprime beaucoup de réserve face à cette option. M. Pétry note que «les médias sociaux sont quelque chose qui isole les individus beaucoup plus que de mettre les choses en commun […] Je ne dis pas que ce n’est pas bon, mais politiquement il ne me semble pas que c’est le remède miracle».

Troisième solution, il faudrait «insuffler des débats de société». Solution qu’il qualifie d’artificielle et de difficile. Les politiciens tentent déjà de le faire avec un succès mitigé.

La démocratie au 21e siècle

François Pétry croit qu’«on a trop tendance à postuler implicitement que la démocratie c’est le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple». Cette définition classique ne représente plus la démocratie aujourd’hui.

«La démocratie, essentiellement, c’est de s’assurer que nos dirigeants sont capables de préserver un certain nombre réalité, en particulier de préserver la liberté […] l’indépendance de la justice, la paix intérieure et extérieure et de toujours s’arranger a ce qu’on respect la balance des pouvoirs […] l’influence de la population n’est que secondaire»

Il avoue que ce point de vue est plutôt cynique, mais de cette manière de voir les choses, le taux de participation ne parait plus comme un problème fondamental. Il précise aussi que d’autres chercheurs ont des points de vue totalement différents et considèrent le nombre d’abstentions comme un problème extrêmement important.

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