Le Soleil

Le chemin de la parité

Au lendemain des élections, si le mode de scrutin a subi de nombreuses critiques, l’atteinte de la zone paritaire à l’Assemblée nationale a été une bonne nouvelle. Avec 58 élues sur 125 sièges (46,4%), l’Assemblée nationale atteint le seuil de la parité qui est défini entre 40 et 60%.  Il s’agit de la deuxième élection où ce seuil est atteint, après celle de 2018 où 42,4% des sièges étaient détenus par des femmes. Malgré tout, il peut être bon de se questionner sur les résultats obtenus et surtout sur les prochaines étapes vers une meilleure représentativité des femmes dans la sphère politique.

Par Jade Talbot, cheffe de pupitre actualités

Au déclenchement des élections, un total de 500 hommes et 380 femmes se sont présenté.e.s, tous partis confondus. Ainsi, près de 43% des candidatures étaient des femmes. Il s’agit de l’année ayant le plus grand pourcentage de candidatures féminines alors que les élections de 2018 en présentaient 40%. Avant 2018, ce pourcentage n’atteignait pas la zone paritaire, 2007 et 2008 étant les années où il était le plus haut avec 31%. On remarque qu’en général, le pourcentage de femmes élues est plus ou moins semblable au pourcentage de candidates. Par exemple, en 2014, 29,6% des candidatures étaient féminines et 27,2% des sièges ont été remportés par des femmes. Mais l’atteinte de la parité passerait-elle seulement par la présentation de plus de candidatures féminines? 

Si tous les principaux partis ont présenté entre 42 et 56% de candidatures féminines, certains n’ont pas réussi à faire élire autant de candidates. À Québec solidaire, seulement 4 femmes ont été élues (36%), alors que 69 candidates ont été présentées. Au Parti québécois, aucune femme n’a été élue. La Coalition avenir Québec et le Parti libéral ont, quant à eux, réussi à atteindre la zone paritaire avec une proportion d’élues, respectivement, de 45% et 62%. Ainsi, il ne suffit pas de présenter autant d’hommes que de femmes. Les circonscriptions où les candidates sont présentées jouent également un rôle dans la réalisation de cet objectif. Certains parlent de parité de façade, où, par exemple, les candidates se retrouvent à briguer des circonscriptions qui ont peu de chances de victoire. 

Le cas de Taschereau

À Québec, on peut notamment se questionner sur la candidature de Québec solidaire dans Taschereau, circonscription qui était détenue par une femme depuis l’élection de la péquiste Agnès Maltais en 1998. Catherine Dorion, en 2018, avait été élue avec une avance de 8 511 voix et a été appréciée au sein de sa circonscription tout au long de son mandat. Le travail et la notoriété de la députée laissaient présager une victoire de QS dans Taschereau aux élections du 03 octobre pour la personne qui la remplacerait, puisqu’elle avait annoncé plus tôt cette année qu’elle ne se représenterait pas. Cette personne a été Étienne Grandmont, ancien directeur général chez Accès transports viables. Alors que Québec Solidaire avait de réelles et très fortes chances dans Taschereau, pourquoi ne pas avoir présenté une candidate? 

La réponse se trouve partiellement dans la façon dont le parti procède afin d’investir ces candidat.e.s. Alors qu’iels sont généralement nommé.e.s, chez QS ,ce sont les membres de la circonscription qui votent pour désigner le ou la candidat.e. Ainsi, les solidaires ont choisi d’investir Étienne Grandmont, candidat recruté par Manon Massé, plutôt que Madeleine Cloutier, colistière de Jackie Smith et seule membre de Transition Québec à avoir été élue aux élections municipales de 2021. Bien que cette façon de choisir ses candidat.e.s peut être saluée, cela peut laisser place à une certaine inégalité comme l’ont montré les dernières élections. Les instances nationales du parti doivent s’assurer d’une retenue et soutenir un.e candidat.e en particulier lors d’une course interne à l’investiture serait mal vu. Ainsi, la désignation d’un.e candidat.e revient entièrement aux membres de la circonscription. Comment alors le parti peut-il s’assurer d’une représentation féminine? Dans la déclaration de leurs principes, adoptée en 2006 par le congrès de fondation, on y lit qu’« [ils adopteront] aussi, au jour le jour, des règles et des pratiques permettant la parité et la plus complète participation des femmes aux structures comme aux élections ». Un résultat comme celui du 03 octobre ouvrira probablement la porte à une remise en question chez QS. 

Le travail n’est pas terminé

Outre les disparités que l’on observe au sein même des partis, on remarque que certaines régions n’ont pas atteint cette zone. Dans la Capitale Nationale, par exemple, seulement 3 femmes ont été élues sur un total de 11 député.e.s. La représentation de la diversité de genres est également absente à l’Assemblée. Puis, au-delà des postes d’élu.e.s, la question de la parité s’invite également dans l’attribution des rôles au gouvernement, notamment au Conseil des ministres. À ce sujet, Esther Lapointe, directrice générale du Groupe Femmes, Politique et Démocratie (GFPD), rappelle que « cette 2e Assemblée parlementaire québécoise paritaire est une occasion qu’il nous faut saisir afin d’assurer et pérenniser la parité des candidatures au sein des partis politiques ainsi qu’au Conseil des ministres et ce, tout au long du mandat, par l’adoption d’une loi sur la parité. Puisqu’il s’agit ici de nominations, le Conseil des ministres doit être composé de 50 % de femmes. En 2022, il est grand temps de légiférer pour obtenir la parité pour de bon! »

S’il s’est réjoui d’avoir fait élire le plus grand nombre de femmes de toute l’histoire du Québec, un deuxième test attend François Legault : la place qu’il laissera aux femmes dans l’élaboration des politiques et les portefeuilles ministériels qui leur donneront témoigneront de sa position sur cet enjeu. S’assurer que les femmes occupent des postes de pouvoir est primordial pour l’atteinte à l’égalité des genres. Pour le GFPD, « il est impératif que les femmes élues dirigent des ministères stratégiques avec des portefeuilles importants afin de pallier les effets pervers [qu’a eu la pandémie sur l’égalité hommes-femmes au Québec] ». Il nous reste donc qu’à attendre les nominations d’ici les prochaines semaines. 

 

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