1984 au Trident : Deux plus deux font-ils quatre ou cinq ?

La guerre c’est la paix ! La liberté c’est l’esclavage ! L’ignorance c’est la force ! Jusqu’au 28 novembre, le Théâtre du Trident se meut en une société totalitaire et répressive où la moindre velléité de liberté est broyée sans pitié. Voici 1984 de Georges Orwell.

Adaptée pour la première fois en français, c’est une version remaniée de l’œuvre que découvrent les spectateurs alors que s’ouvre la pièce sur un groupe de lecture en 2050 lisant précisément 1984. Il ne faut pourtant pas patienter longtemps avant que le récit ne retourne à l’histoire originale, celle de Winston Smith (Maxim Gaudette).

Publié en 1949 par le romancier anglais Georges Orwell, 1984 explore un monde futuriste où un parti totalitaire, celui de Big Brother, opère une révolution totale de la société. Au moyen d’une réduction systématique de la langue, d’une surveillance constante de la population et d’un contrôle de l’information, le parti s’assure une mainmise complète et absolue sur ses citoyens et leurs pensées. Dans ce monde suffoqué où toute autonomie fait office de crime, Winston Smith tente de regagner une forme de liberté, amoureusement d’abord, puis en joignant « la résistance ». Mais à quel prix ?

Les faits et gestes des acteurs sont ingénieusement filmés en temps réel et retransmis sur un écran géant dominant la scène.

Cette ambiance de contrôle et de dissimulation est fort adroitement rendue par Édith Patenaude qui signe la mise en scène. Dans un décor obscur où seules trônent quelques tables de cafétéria et des étagères métalliques pleines de vieilleries, les faits et gestes des acteurs sont ingénieusement filmés en temps réel et retransmis sur un écran géant dominant la scène. Big Brother vous regarde !

Pour autant, malgré quelques idées ingénieuses, il faut admettre que la production manque de souffle. L’idylle interdite entre Smith et Julia (Claudianne Ruelland) ne transmet pas la violence d’une passion qui brave la mort. O’Brien (Alexis Martin), personnage pivot de la pièce, est à peine présenté et sa séance de torture, moment terrible entre tous dans l’œuvre d’Orwell, a curieusement suscité plusieurs rires dans la salle. Non pas que Martin joue mal, c’est plutôt comme si on ne réalisait pas le sommet d’horreur que cherche à traduire l’œuvre. Finalement, le choix d’ajouter une autre trame, celle qui se déroule en 2050, complexifie l’histoire et ajoute maladroitement des mots à ceux fort bien choisis d’Orwell.

Il n’en demeure pas moins que l’histoire est un classique du XXe siècle. Les critiques que l’on pourrait adresser à 1984 n’occultent pas la qualité certaine du propos de son auteur et sa poignante actualité encore aujourd’hui.

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