Critique littéraire: L’impureté de Larry Tremblay

Réflexion philosophique sur l’amour

9782896942442Grandes sont les attentes qui pèsent sur L’impureté, le nouveau roman de Larry Tremblay, qui succède le très acclamé L’orangeraie. Malheureusement, cette petite plaquette, qui sera publiée chez Alto mercredi, ne remplit ces espérances qu’à moitié.

Dès les premières pages de L’impureté, on reconnaît le style précis et vif de Tremblay. On prend plaisir à se laisser bercer par ces phrases où les maladresses se font rares. Le ton y est moins allégorique que dans L’orangeraie, moins glauque que dans Le Christ Obèse: Tremblay prend le ton du quotidien pour raconter l’adolescence et la vie monotone d’Antoine, professeur de philo nouvellement veuf. Il se remémore, entre autres, sa rencontre avec sa future femme Alice, avec son meilleur ami Félix et la découverte de sa passion pour les grands penseurs de ce monde.

On retrouve dans ce roman une prédilection nouvelle de Tremblay pour la philosophie. Outre les nombreuses références à des penseurs comme Sartre, le roman représente en fait une réflexion philosophique sur la pureté du cœur et de l’amour. Le cœur de l’homme est-il pur ? Si oui, comment arrive-t-il à préserver cette pureté? L’amour peut-il être spirituel plutôt que physique ?

Pour prouver que le cœur et l’amour n’ont rien de vertueux, Antoine n’hésite pas à se prêter à diverses expérimentations existentialistes, utilisant ses proches comme cobayes, manipulant leurs sentiments pour arriver à ses fins. Il découvrira, un peu à ses dépens, que si l’humain est impur, il fait tout pour le cacher et conserver une parcelle d’innocence. Et ce, même s’il doit se mentir à lui-même.

Malgré le fait que cette réflexion philosophique occupe une grande place au sein du roman, on aurait aimé qu’elle soit un peu plus développée et qu’elle utilise moins de clichés, comme cette image de cœur qui ne brûle pas qui devient un peu redondante.

Les personnages, eux, sont somme toute intéressants. Alice Livingston, femme d’Antoine et auteure populaire récemment décédée, semble cacher plus de profondeur que ce que ses romans à succès laissent croire. Antoine, lui, sous ses airs de philosophe implacable, pessimiste et indifférent, présente une sensibilité et une fragilité qu’il ne s’avoue pas.

Cependant, on regrette le fait que les personnages ne servent parfois qu’à camper des positions philosophiques, à un point tel qu’il est difficile de s’attacher à eux. Par exemple, Félix devient rapidement lourd de mièvrerie lorsqu’il s’évertue à prouver que l’amour n’est pas seulement physique, mais qu’il peut être spirituel, asexué, unique et survivre à la mort.

L’intrigue est, sans contredit, le maillon faible du roman. Bien sûr, on se prend rapidement à vouloir découvrir ce que recèle cette étrange relation triangulaire entre Félix, Antoine et Alice et voir où les étranges expérimentations existentialistes d’Antoine vont le mener. Par contre, on déplore le fait que certaines révélations, bien que préparées au fil du roman et servant la réflexion globale, soient plus ou moins nécessaires dans l’intrigue.

De plus, l’auteur aime brouiller les pistes, racontant à la fois la version d’Antoine, puis la version romanesque d’Alice, ce qui amène le lecteur à douter de la crédibilité du narrateur. L’intrigue devient tellement floue à la fin que le lecteur ne peut que refermer le livre avec un gout amer en bouche, et ce, même si ce flou sert à nourrir le propos.

Bref, malgré l’écriture impeccable de Tremblay, son indéniable maîtrise de l’art romanesque et sa réflexion intéressante, quoique parfois sommaire, sur la pureté du cœur, L’impureté peine à séduire.

3/5
L’Impureté
Larry Tremblay
Éditions Alto
En librairie le 7 septembre
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