Photo: courtoisie, Stéphane Bourgeois

Antigone au Théâtre du Trident: la dignité sous toutes ses facettes

Au lendemain d’une guerre aboutissant à la mort des deux ennemis, soit les deux frères Polynice (Lucien Ratio) et ÉtéocleLe pouvoir est donc entre les mains de leur oncle Créon (Réjean Vallée)Alors que ce dernier tente d’instaurer un climat de sécurité qui semble se mordre la queue, Antigone (Joanie Lehoux) défie la loi humaine au nom de la loi divine. Elle décide, malgré les supplications de sa sœur Ismène (Annabelle Pelletier-Legros) et de son fiancé Hémon (Jean-Denis Beaudoin)de donner la sépulture à son frère Polynicede laquelle Créon l’a privé. En prenant cet engagement, Antigone choisit la mort. Une question se pose : pour quel combat vaut-il la peine de se battre? Celui pour la vie ou celui pour la mort?  

La pièce débute sur un monologue de Polynice, à qui on n’a pas ou peu donner la parole au théâtre. Ce personnage à la figure paradoxale est déroutantÀ la violence de ses paroles véhiculant des idées de révolution honnête se superpose une attitude de vengeance. Il termine son discours sur une invitation à Étéocle à se battre. L’action se poursuit avec l’entrée du chœur qui chanterons l’action sur différents niveaux musicaux et de langue. Il faut finalement relever la parole que l’on a donné à Ismène, sur laquelle se clos la pièce. Si l’on a servi l’idée de se battre pour des lois éternelles en choisissant la mort, alimenté par un besoin de « croire », on termine sur une résistance différente. Ismène choisit la vie, malgré le destin tragique qui lui a été donné.  

D’une part, dans un décor aux allures de fin du monde, d’un monde dystopique, on y voit les personnages principaux et le chœur se partager l’aire de jeu qui se métamorphose dans une fluidité impressionnante. Le metteur en scène Olivier Arteau a su orienter notre regard aux bons endroits au bon moment, si bien que la scénographie semble réellement se transformer en harmonie avec les manipulations des comédien.ne.s. D’autre part, l’usage d’un tapis roulant magnifiquement intégré au décor assure un dynamisme particulierIl permet entre autres d’illustrer une résistance que l’on pourrait croire vaine : en face de Créon immobile, on y voit Antigone, en mouvement, qui court sur le tapis, en train de hurler à la dignité, à ce qui dépasse l’humanité, pour lesquels elle se réfugiera dans la mort.  

Le jeu solide et sensible des comédien.ne.s est efficace et pleinement assumé. Néanmoins, la mise en scène particulière de Arteau nous rend inconfortables et perplexes par moment. On peut questionner la pertinence de tremblements accompagnés de silences et, notamment dans le texte, de répétitions, tel qu’un « je t’aime » prononcé à maintes reprises par Hémon à l’endroit de Antigone.  

Il faut finalement souligner le travail de réappropriation du texte de Sophocle par Pascale Renaud-Hébert, Rébecca Déraspe et Annick Lefebvre qui, dans un premier temps, ajuste le registre au français québécois populairePar ailleurs, certaines allusions aux problématiques actuelles, telles que les fake news et la question des genres, n’enlèvent rien à l’essence initiale de la tragédie sophocléenne. La richesse de cette réappropriation réside également dans la nuance des idées, des positions que les autrices sont parvenues à instaurer  

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