Beans : Crise au pluriel

Tracey Deer signe avec Beans son premier long-métrage, réputée jusque-là pour ses documentaires comme Club Native ou Mohawk Girls. L’histoire de Beans se déroule en 1990, à Kanesatake pendant la Crise d’Oka. Nous traversons la crise par le regard de Takehentahkhwa que tout le monde surnomme « Beans ». Parsemé d’images d’archives de la crise, Beans restitue le point de vue de la nation mohawk dans un style hybride, parfois emprunté au documentaire, parfois à la fiction. Un film confrontant, mais nécessaire.

Réalisation : Tracey Deer | Scénarisation : Tracey Deer et Meredith Vuchnich | Distribution : Kiawentiio, Paulina Jewel Alexis, Violah Beauvais, Rainbow Dickerson, Joel Montgrand, D’Pharaoh Woon-A-Tai, Jay Cardinal Villeneuve, Brittany LeBorgne, Kelly Beaudoin | Sortie : 2020

William Pépin, journaliste web

D’emblée, je m’en voudrais de ne pas souligner le talent des trois actrices principales. De par leur alchimie et leur jeu nuancé, Kiawentiio, Violah Beauvais et Rainbow Dickerson ajoutent de la crédibilité à la restitution historique de Tracey Deer. Au cœur d’un climat tendu susceptible d’éclater à tout moment, nous éprouvons davantage d’empathie à l’égard de ses personnages et nous sentons bien que la réalisatrice a d’abord fait ses premières armes dans le documentaire.

Du haut de ses 92 minutes, le film possède un rythme bien dosé. La tension va crescendo et le long-métrage est émaillé de quelques scènes qui peuvent choquer, non pas par leur crudité graphique, mais bien par la prise de conscience du fait que ce qui se déroule à l’écran s’est réellement passé il y a à peine 30 ans.

Crise au pluriel
L’histoire raconte également le parcours initiatique de Beans vers l’adolescence. Prise entre son souhait d’aller étudier à l’Académie Queen Heights, donc chez « les Blancs » et son appartenance à la nation mohawk, le conflit intérieur qui l’habite symbolise cette tension omniprésente pendant toute la durée du long-métrage. Même si parfois les dialogues semblent tout droit sortis d’un épisode un peu moyen de Ramdam, les relations demeurent assez crédibles pour qu’on y croie.

Une note d’espoir
Ces derniers temps, je remarque que la musique au cinéma a de plus en plus tendance à accompagner l’image sans lui insuffler un sens. Le travail de Mario Sévigny sur Beans apporte une émotion que je ne saurais décrire avec précision si ce n’est que l’on ressent une certaine mélancolie à son écoute. Cependant, il est clair que Sévigny apporte à l’ensemble une lueur d’espoir à une situation apriori indénouable, tout comme la réalisatrice dans son propos. Beans nous confronte, nous fait réfléchir et par-dessus tout, nous transporte dans une période de l’histoire qui ne pourrait pas être plus d’actualité.

Crédits photo : Sébastien Raymond

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