Critique cinéma : Nelly

NellyFascinant, sensuel, dramatique et très incisif, voici la proposition de la cinéaste Anne Émond avec son film Nelly au sujet de l’auteure du livre Putain, Nelly Arcand.

« Après qu’on vous ait lu, on a très envie de vous rencontrer », lâche le nouvel éditeur français de la jeune auteure quand ils se rencontrent pour la première fois dans le film. En effet, la curiosité nous habite quand on voit cette jeune femme aux traits angéliques et pourtant si sombre et complexe.

Pour traduire cette personnalité compliquée, la cinéaste propose cinq personnages : la putain, l’adolescente, l’auteure, la désinvolte et la vedette. Facettes qui sont toutes complémentaires les unes des autres avec une Mylène Mackay qui les interprète prodigieusement. Des facettes qui construisent au fur et à mesure l’identité de cette femme profondément désillusionnée des hommes et de la vie.

Pour relier ces personnalités bien différentes, des extraits sont lus par Nelly (ici narratrice) entre les différentes apparitions des personnages. D’abord par parcimonie, puis avec des extraits de plus en plus longs et tristes sur l’analyse de sa propre vie. Ces mots sont crus, durs, sombres et pourtant d’une fluidité et d’un raffinement décadent, au reflet de la plume de l’auteure.

On est envoûté par la sensualité de cette femme et par sa complexité psychologique. Son corps presque parfait nous est montré très tôt, sublimé par un éclairage parfois un peu insistant. On voit beaucoup sa facette de putain. Un métier méconnu et lucratif, qu’on apprivoise tout au long du film. On ne sait pas si elle le fait pour elle, pour l’expérience ou pour l’argent. Cette perplexité est brillamment traduite par l’actrice. On restera cependant choqué de la scène avec un client trop violent. Elle sait comment fonctionnent les hommes et elle en est dégoûtée. C’est si simple, si animal… Comment aimer l’Homme dans de telles conditions?

La cinéaste n’a pas choisi de parler de la vie étudiante de Nelly Arcand alors que c’est à ce moment qu’elle devient escorte. Cela aurait peut-être été intéressant, puisque c’est souvent à cet âge que nous construisons notre identité. Le personnage de la vedette, un peu cliché d’ailleurs, ne prend pas beaucoup de place contrairement à d’autres.

Durant le film, on ne peut pas s’empêcher de mesurer l’envergure du travail de la costumière à cause des multiples personnages et situations. La superposition des facettes est d’ailleurs bien rythmée ; on aurait pu se perdre, mais non. La musique est québécoise et signée par les Dear Criminals qui sont reconnus pour leur contenu minimaliste et sombre.

Cependant, la bande-annonce proposait celle de Charlotte Cardin (Dirty Dirty), qui pouvait peut-être mieux traiter la sensualité et psychologique de l’écrivaine. On restera marqué par la psychologie du personnage de Nelly Arcand et de sa répulsion envers l’homme et la nature humaine. Mais pas forcément par l’auteure.

3,5/5

Consulter le magazine