Critique CD : L’alchimie des monstres de Klô Pelgag

Klô Pelgag

L’alchimie des monstres

Abuzive Muzik

Il y a plusieurs bonnes raisons de s’emballer pour L’Alchimie des monstres, premier album de Klô Pelgag. D’abord, le traitement éclaté de la chanson, « art mineur » selon Gainsbourg, peut-être, mais médium infiniment plus vraisemblable. Puis, ces mots qui empruntent des chemins imprévisibles et qui pour sortir arborent la musique des grandes occasions, orchestre de chambre en guise de robe de soirée éclatée.

L’artiste, qui a déjà récolté plusieurs reconnaissances pour son travail ( Prix du Cirque du Soleil et Prix des diffuseurs européens à la bourse RIDEAU 2013, prix Miroir « Célébration de la langue française » au Festival d’été de Québec, deux prix Coup de coeur au Festival Vue sur la relève 2012, notamment ) sort des sentiers battus, sans pour autant dérober aux oreilles tous leurs repères. Les textes nous plongent dans un univers surréaliste, onirique, où la réalité est élastique. Une direction que l’on saisit clairement dès la première piste, Le dermatologue, dans laquelle de savoureux néologismes s’invitent à la fête : « M’épidermer dans tes bras/Puis me rhabiller de toi ». La Fièvre des fleurs relate une émouvante histoire de maladie sans tomber dans la facilité des sentiments imposés de force à l’auditeur, écueil fréquent qui guette ceux qui osent aborder ce thème. Le refrain permet également de constater l’impressionnante étendue vocale de la chanteuse. Cette dernière profite de Tunnel pour exploiter le côté sombre de sa poésie : « Où est la magie des dents qui blanchissent/Quand je bois le jaune des cœurs qui pourrissent ». Les chœurs à la fin ponctuent avec légèreté cette complainte menée tambour battant ( littéralement, avec les percussions bien présentes ). Le surréalisme prend tout particulièrement ses aises dans l’étonnante Rayon X : « Je prends le pouls de tes ondes/Je vais les promener/Dans les champs magnétiques/Où nous aimons graviter ». Mention spéciale à la chorale particulière qui entonne la dernière strophe. Un choix audacieux, discutable, peut-être, mais qui ne peut laisser indifférent.

Chapeau pour les arrangements, œuvre du frère de l’auteure-compositrice-interprète, Mathieu. Ils contribuent à la signature de ce projet qui sort de l’ordinaire. Le langage est maîtrisé, et les couleurs variées ( basson, hautbois, trombone, violon… ) confèrent aux créations une richesse supplémentaire. Klô Pelgag s’est entourée de musiciens de grand talent, et ça s’entend; de quoi clouer le bec aux détracteurs de la musique dite « populaire ».

4/5   Justine Pomerleau-Turcotte

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