Critique CD: Paloma de Daniel Bélanger

Paloma : retour au Daniel Bélanger des beaux jours

Fort heureusement, le rockabilly de Chic de ville n’aura été qu’un épisode. Avec Paloma, on retrouve le Daniel Bélanger de Nous et de L’échec du matériel. Une bonne nouvelle pour tous les admirateurs de ce grand de la musique québécoise, qui a réussi à créer un univers vaporeux – opiacé, pourrait-on dire –, entre le nouveau et le vieux.

palomaCe dixième opus de l’auteur-compositeur-interprète, sorti le 25 novembre, rivalise de solidité avec Rêver mieux, voire avec Les insomniaques s’amusent… Sans cependant les dépasser. Certes, les sonorités rock et les airs de guitare, qui naviguent entre le doux et le dynamique, n’ont pas tout à fait la qualité de La folie en quatre, Dans un spoutnik et autres classiques du genre – mais peut-on vraiment s’attendre à autant de Daniel Bélanger, après 22 années dans l’industrie ?

Il n’en reste pas moins que les chansons Tout viendra s’effacer, Il y a tant à faire, Un – pour ne nommer que celles-là – font écho aux airs qui se sont infiltrés dans nos cœurs et nos corps par le passé. Pas moyen de rester immobile à l’écoute des titres : invitant parfois à la douce valse, parfois à un balancement plus convaincant, les pistes, dès la première écoute, fondent les bases d’un univers mélodieux, à la rythmique envoûtante.

À ce sujet, Ère de glace ouvre l’album avec brio, semant les bases d’une métamorphose délicate qui s’opère tranquillement au fil de l’album…  Et de la bobine. Que Daniel Bélanger n’a d’ailleurs pas perdue, contrairement à ce qu’il dit dans la très jolie pièce Le fil. Une parmi tant d’autres, d’ailleurs, car chacune d’entre elles charme à sa manière. La somme des parties forme ainsi un tout cohérent, d’une logique discrète, tout en finesse et en subtilités.

Le timbre de l’homme n’a que peu changé avec les années ; il propage encore cette chaleur, redoublant les thèmes mis de l’avant par les paroles, une des forces de l’auteur-compositeur-interprète qui construit, depuis ses tout débuts, une poésie rassurante, de qualité indéniable. La nostalgie, l’urgence de vivre, tout comme la sérénité, se répondent d’une chanson à l’autre : « Ainsi la vie tu te prolonges/ En moi encore/ Aujourd’hui tu m’animes/ L’âme et le corps/ Je suis d’eau, je suis d’air/ Et de lumière ».  Tout est dit.

On pourra, certes, reprocher à Daniel Bélanger d’appliquer une recette qui avait déjà fait ses preuves, plutôt que de se renouveler. L’échec du matériel que compose Chic de ville nous empêche d’avancer une telle critique : on l’aime mieux dans ses pantoufles, autant usées soient-elles. Par ailleurs, Prédications, pièce instrumentale, est forte d’une sonorité plus orientale, qui diverge du reste.  On apprécie.

Paloma, c’est dix morceaux de réconfort, qui arrivent à point nommé. Daniel Bélanger panse nos blessures, les siennes aussi, comme il le laisse entendre. Il pense surtout un album fort, témoignant d’une maîtrise de son art qui n’en finit plus de se parfaire avec le temps. « C’est bien de penser/ Que tout n’est pas vain » : on lui pardonne sa passe rockabilly de 2013, si elle lui a permis de rebondir de cette façon.

4/5
Paloma
Daniel Bélanger
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