Critique de l’album « Tall Tall Shadow » de Basia Bulat

Lumineuse et mélancolique, talentueuse mais encore hésitante : telle était la Basia Bulat que le Canada avait découverte en 2007, lorsque la chanteuse torontoise a lancé son tout premier titre, Oh, My Darling, offrande prometteuse dont les accents folk et pop, mâtinés d’un rock encore incertain, avaient tout le potentiel nécessaire pour charmer et accrocher l’oreille. Si le deuxième opus de la chanteuse, Heart of my Own, ne s’était guère écarté de la — très réussie — recette originelle, force est de constater que, depuis, la jeune Canadienne a évolué. Pour le meilleur.

Avec Tall Tall Shadow, Basia Bulat nous immerge dans un univers plus sombre, à l’identité musicale plus affirmée, plus sentie. Les dix titres qui composent l’album dégagent une grande unité, dans le ton et le propos comme dans la musique : la même atmosphère, noirceur mêlée de lumière, fragilité et force à la fois, enveloppe cette œuvre aboutie, ensorcelante. La Torontoise, il faut le dire, a su bien s’entourer : le disque est coproduit par Tim Kingsbury — membre d’Arcade Fire — et Mark Lawson — l’homme derrière The Suburbs, album acclamé du même groupe. À cette fine équipe s’ajoutent les musiciens rassemblés par Bulat, tous d’un grand talent : Holly Rancher aux harmonies vocales et au ukulélé, Bobby Bulat aux percussions et Allison Wonderland à l’alto et à la voix. Quant à l’auteure-compositrice-interprète, elle joue admirablement bien de la guitare et du piano, en plus de faire un usage virtuose de l’autoharpe.

Avec Tall Tall Shadow, Basia Bulat pousse donc plus loin la recherche musicale, et explore de nouvelles avenues : l’album prend parfois un ton plus électrique, sinon électronique — notamment avec le synthétiseur, judicieusement utilisé —, sans jamais abandonner sa portée mélodique. Les arrangements gagnent ainsi en profondeur et en intensité, sans pour autant délaisser la vivacité et l’harmonie instrumentales qui ont fait le succès des premières créations de l’artiste. La voix de la chanteuse s’est aussi affirmée ; toujours aussi émouvante, elle occupe plus que jamais l’avant-plan, tantôt pure et claire, se prêtant à de superbes variations d’intensité et de registre. Décidément, que ce soit dans l’énigmatique The City With No Rivers, l’entraînante et jouissive Promise Not to Think about Love ou la pure et déchirante It Can’t Be You, Basia Bulat séduit et surprend, et nous offre de véritables petits bijoux.

3,5/5
Nathan Murray

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