Critique littéraire : Je n’ai jamais embrassé Laure de Kiev Renaud

Fantasme, passion, convoitise 

Je n'ai jamais embrassé Laure de Kiev RenaudKiev Renaud, jeune auteure prometteuse, a fait partie des cinq finalistes du prix de la nouvelle Radio-Canada 2015 pour Les ombres chassées, texte qui se retrouve dans son roman Je n’ai jamais embrassé Laure.

Deux femmes, Laure et Florence, y entretiennent une relation sensuelle très ambigüe dans laquelle le désir de ressembler à l’autre en faisant allusion aux miroirs et aux ombres est omniprésent. À cette relation s’ajoute un regard extérieur, celui de Cassandre, fille de Florence.

Je n’ai jamais embrassé Laure est divisé en trois parties, désignant chacune une narratrice différente. Florence et Cassandre tentent d’analyser Laure, de la comprendre, étant toutes deux subjuguées par sa beauté et son pouvoir d’attraction. Malgré leurs points de vue, Laure reste un personnage flou jusqu’à ce qu’elle-même prenne la parole.

Florence insiste sur l’omniprésence du lien qu’elle entretient avec Laure, relation si forte qu’elle s’image accoucher de son amie. Elle joue la prostituée, elle est fascinée par l’accouchement et par le corps de Laure, et elle compare son physique à celui de ses amies.

Cassandre met plutôt l’accent sur la solitude qu’elle vit, faisant ressortir la relation privilégiée entre les deux amies. Relation tellement enviée par Cassandre qu’elle s’invente être la prisonnière de Laure.

Cette dernière vient séduire le lecteur en exprimant tendresse, amour et protection au sujet de Florence. Sa narration aide le lecteur à comprendre la profondeur de leur relation, comme quand elle dit qu’elle « ne veux pas lui survivre ».

Le court ouvrage est descriptif par le réalisme des nombreuses parties du corps mettant l’accent sur la convoitise et la comparaison, rappelant au lecteur qu’il est souvent déçu de son propre corps. Il est tantôt sensuel par l’imagination dont font preuve les personnages féminins, par le lien très intime entre Florence et Laure et par la présence constante de l’apparence et du corps.

Il est également poétique par l’utilisation d’une écriture du non-dit obligeant souvent le lecteur à assembler les morceaux, et par la présence constante du ventre. Le lien qui se crée entre une mère et son enfant est ce que Laure et Florence tentent d’atteindre, tout comme ce désir de ressemblance. Ces deux amies souhaitent accoucher l’une de l’autre pour être liées par le sang, l’amour et l’amitié.

Auteure ayant remporté le Prix international du jeune écrivain de langue française pour son texte Et couvertes de satin, Kiev Renaud décrit à merveille le fantasme de Florence et de sa fille : Laure. Je n’ai jamais embrassé Laure est une œuvre qui fait un magnifique portrait de la force et de la profondeur d’une amitié en abordant l’amour qui s’y cache.

4/5

Je n’ai jamais embrassé Laure

Kiev Renaud

Leméac

En librairie depuis le 16 mars

Consulter le magazine