Critique littéraire: Océans

La réputation de comédien de James Hyndman, que l’on connait autant pour ses interprétations théâtrales que pour ses rôles au petit et au grand écran, n’est plus à faire. Avec Océans, son premier ouvrage paru dernièrement aux Éditions Quai No 5, l’homme de 56 ans révèle toutefois au public un nouveau pan de sa sensibilité artistique. 

La centaine de pages qui compose le livre se découpe en 12 courts chapitres qui se veulent autant de fenêtres sur des vies. Des vies de couple, de famille, des scènes que l’on devine se jouer entre deux personnes, mais qui sont chacune présentées par le biais d’un monologue. À chaque nouveau chapitre, un individu s’exprime dans un discours qui laisse l’impression d’une réflexion à voix haute, d’une ouverture sur un fragment d’intimité. Au fil de cette collection de réflexions que nous présente l’auteur, ce sont des constats universels sur la difficulté d’entrer en relation avec l’autre qui se dessinent. Plus souvent qu’autrement, Hyndman met en scène la part d’incompréhension, de frustration et de lutte inhérente aux rapports d’interdépendance, mais il laisse aussi, plus subtilement, entrevoir la beauté du partage avec l’autre, comme un idéal trop peu souvent atteint. Malgré la fragmentation du contenu, la somme est cohérente, et semble mûrement réfléchie. 

La forme étonnante du livre, qui ne comporte ni trame narrative, ni précisions sur l’identité des personnages, ni lien les unissant entre eux, en fait un objet littéraire intéressant et original. L’absence de points finaux et de majuscule pour marquer le début et la fin des phrases pousse le lecteur à lire dans une sorte d’urgence, d’un seul souffle, procédé efficace s’il en est un pour garder l’attention du lecteur à son comble. Ce mouvement continu des mots est du reste l’un des éléments qui souligne l’apport indéniable du métier de comédien de James Hyndman à cette œuvre littéraire. On ne serait pas surpris de voir le concept de l’ouvrage éventuellement repris sur scène, comme le suggère d’ailleurs la note d’ouverture qui associe le livre à un oratorio, forme dramatique qui est livrée par des comédiens sans costume ni décor. 

Le seul véritable défaut de cet ouvrage très juste étant sa brièveté, on souhaite déjà que James Hyndman reprenne la plume pour renouveler l’expérience.

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