Critique Littéraire : recueil de poésie #Mon âme

Sébastien Émond est un jeune auteur.e de la relève québécoise. Il fut, au mois de novembre dernier, parmi les cinq finalistes pour le Prix de poésie 2019 accordé par Radio-Canada, grâce à un texte qu’il a écrit qui s’appelle La dysphorie des lièvres empaillés. En 2018, il avait publié un premier recueil du nom de #monâme, recueil sur lequel je vais m’attarder.

Par Marc-Antoine Auger, journaliste collaborateur

La dysphorie des lièvres empaillés, un texte de 600 mots, comme je l’ai dit plus tôt, lui a permis d’être finaliste au Prix de la poésie 2019 de Radio-Canada, ce texte sera éparpillé et remodelé dans son deuxième recueil à paraître au mois de septembre 2020, Notre-dame-du-Grand-Guignol. Mais revenons-en au sujet principal. J’ai pu observer quelques thématiques qui reviennent dans son recueil.

Cinéma d’horreur

Petite mise en contexte, j’ai eu l’occasion de rencontrer l’auteur de ce livre au Salon international du Livre de Québec au mois d’avril 2018. Je déambulais parmi les allées en portant mon t-shirt à l’effigie du film Psycho d’Alfred Hitchcock, et Sébastien m’a dit à quel point j’avais un beau t-shirt! Par la suite s’en est suivie une discussion où il m’a expliqué que, lui aussi, adorait le cinéma d’horreur, et que ça transparaissait dans certains de ses poèmes du recueil. En le lisant, j’ai évidemment pu constater à quel point c’était le cas, et je dois admettre avoir eu beaucoup de plaisir à chercher les références au cinéma de genre dans son recueil. Le recueil commence par une citation en exergue de Stephen King qui dit : « Ce ne fut qu’à l’instant où elle s’écarta de la douche qu’elles virent toutes le sang qui lui coulait le long de la jambe. » Sans avoir lu le livre, certains se doutent tout de même que ça vient du livre Carrie, livre à partir duquel le réalisateur Brian de Palma a fait un merveilleux classique de l’horreur en 1976. Je ne nommerai pas toutes les références, je veux vous laisser le plaisir de les découvrir vous-mêmes si jamais vous êtes intéressés par le livre.

La simplicité du quotidien

À certains moments dans le recueil, il y a des poèmes avec une forme intéressante et nouvelle pour moi, je dois l’admettre. C’était la première fois que je lisais des poèmes avec des dialogues, des lignes écrites qu’on imagine avoir été dites par quelqu’un de l’entourage d’Émond par le passé, ce qui confère au recueil une très belle originalité à ce niveau-là. On peut lire un poème à la page 36 du recueil, où il y est écrit : « – Eh, ça te tente d’aller te promener sur le sentier? » Ce sont des « dialogues » que l’on aperçoit à quelques autres occasions dans le recueil. Ça a un effet intéressant, on dirait que ça crée une simplicité dans la poésie, que ça rapproche le lecteur de la poésie, que ça déboulonne le préjugé selon lequel la poésie est un art abstrait et trop subjectif. À l’inverse, ça crée l’idée que la poésie n’est pas juste présente dans les recueils, mais partout autour de nous au quotidien.

Une forme intéressante

Dans ce recueil, les poèmes n’ont pas de titre. Ça permet aux lecteurs de s’amuser un peu à trouver des liens entre les différents textes. On croit que ce ne sont pas les mêmes poèmes, parce qu’ils sont sur différentes pages, mais ce n’est pas le cas, et ça confère une belle unicité au livre. Contrairement aux autres recueils de poésie qu’il m’a été donné de lire dans ma vie, les poèmes, dans ce livre, partent généralement du haut vers le bas. Ne me méprenez pas, les poèmes sont bel et bien donnés à lire de haut en bas, mais la mise en page fait en sorte que les poèmes sont, la majorité du temps, finis au bas de la page. Encore une fois, c’est un élément intéressant du recueil, comme si les poèmes créaient une ascension vers un endroit transcendant, plus haut, qui nous dépasse. Certaines phrases reviennent à quelques occasions dans le recueil, comme des motifs, une phrase en particulier a retenu mon esprit, et c’est : « [je te le promets] », écrit exactement comme ceci.

Des images singulières

La poésie, je dirais, est un art imagé parmi la littérature. Le principal défi lorsqu’on fait de la poésie, c’est d’écrire et de créer des images mentales originales, qui peuvent tout de même être comprises par les lecteurs dans une certaine mesure. Ce défi est bien réussi par l’auteur de #monâme. À certaines occasions dans le recueil, il y va d’images un peu sombres, mais bien ancrées dans le réalisme. Il y en a une en particulier qui a retenu mon attention, et c’est : « le suicide des paupières lourdes ». Certains diront que c’est un détail, mais ça n’en demeure pas moins une image qui représente bien l’ensemble de l’oeuvre.

Une poésie engagée

Je me dois de glisser un dernier petit mot également sur la présence, tout au long du recueil, d’adjectifs non-binaires. Par exemple, on retrouve dans le recueil des adjectifs tels que : noyé.e, heureux.se.s, nu.e, automnal.e, etc. On voit souvent la lettre « e » entre parenthèse pour créer une écriture inclusive, mais ça peut être perçu par certains comme l’idée de mettre le genre féminin entre parenthèses, de lui accorder moins d’importance.

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