Entrevue avec Éric Robitaille : Baiser à en perdre la tête

Du 26 au 30 mars prochain, la troupe de théâtre Les Treize de l’Université Laval présentera l’ultime pièce de sa saison d’hiver 2014 : Baiseries, de Jean-Philippe Baril Gérard. Impact Campus s’est entretenu avec le directeur de production, Éric Robitaille, qui signe ici son tout dernier projet théâtral à l’Université Laval.

C’est lorsqu’il étudiait en interprétation théâtrale à St-Hyacinthe que le toujours très volubile et dynamique président des Treize a fait la connaissance de Jean-Philippe Baril Gérard. Le jeune dramaturge venait tout juste de terminer ses études, mais hantait encore les couloirs de l’École de théâtre. Au cours d’ateliers avec le comédien et auteur, Éric Robitaille a eu l’occasion de visiter Baiseries. Il est en quelque sorte tombé en amour avec l’œuvre. D’où ce désir de revenir à la pièce pour l’explorer plus en profondeur avec les Treize, la monter et l’offrir au public.

Pour ce faire, le directeur de production s’est entouré d’une solide équipe de comédiens, en plus de confier la mise en scène de Baiseries à Jean-Nicolas Marquis, professeur au conservatoire d’art dramatique de Québec. Éric Robitaille voulait jouer un rôle, n’importe lequel, pour ce dernier tour de piste ; généreux, le metteur en scène lui a donné les sept amants d’Anne-Marie (Marianne Desjardins), la jeune femme déçue, trompée par Louis après six ans de relation, et dont la fuite éperdue de corps en corps constitue le cœur de la pièce.

« Les amants, c’est beaucoup de travail. J’ai hérité du rôle que je n’ai jamais pensé faire », confie, en riant, Éric Robitaille. Avant de redevenir sérieux et d’insister sur la qualité de la pièce, « l’honnêteté du propos ». Baiseries « touche tout le monde », son texte met le doigt sur un malaise, un inconfort, un silence. « On ne veut rien savoir de la vie du monde quand ça va mal, parce qu’on ne sait pas comment réagir », lâche l’acteur. Avant de poursuivre : « C’est l’effet cathartique du théâtre, dire ce que tout le monde vit, demander peux-tu être là, me réconforter, m’écouter? La pièce, c’est ça : Anne-Marie, ça va? Non, ça ne va pas. Elle se cache derrière ses amants, mais elle est honnête avec son frère et son amie ». La production allie donc fuite et franchise, sincérité et sexe désespéré, vide. La valse des amants se heurte aux « vraies relations » d’Anne-Marie, et révèle sa quête, sa détresse, et son lot de situations cocasses. « Mais », précise l’amant démultiplié, sourire en coin, « on ne voit que des choses qu’on pourrait voir sur une plage ».

Baiseries, c’est donc un sujet à la fois très personnel et universel. Au-delà du sexe, il y a l’échec du sentiment amoureux, mais aussi des déceptions, des surprises, bonnes ou mauvaises, tristes ou drôles. « Dans le processus d’audition, on demandait à ceux qui auditionnaient de conter un souvenir, et toutes ces anecdotes se rejoignaient » explique l’instigateur du projet. La pièce offerte par les Treize, c’est aussi une prise de parole : le quatrième mur, parfois, sera brisé, le personnage laissant place au comédien.

Réflexion sur le sexe, la solitude et la fuite, Baiseries est aussi teintée d’un humour noir et corrosif. Sans pour autant être une franche comédie. « C’est une pièce coup de poing qui va faire mal à entendre » résume le directeur de projet. « Si on entend juste des éclats de rire à chaque punch, on n’aura pas réussi ». Les Treize nous promettent ainsi beaucoup plus qu’une simple histoire de couchettes, une histoire où « Anne-Marie, ce n’est pas une salope, et celui qui l’a trompé, ce n’est pas un trou-du-cul ». Beau et alléchant défi.

Quoi? Baiseries
Qui? Les Treize, texte : Jean-Philippe Baril Gérard, mise en scène : Jean-Nicolas Marquis
Où? Théâtre de Poche du pavillon Maurice-Pollack
Quand? du 26 au 30 mars

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