Festival du Nouveau Cinéma 2021 : Revue éclectique no. 3 | Longs métrages

Le Festival du Nouveau Cinéma de Montréal célèbre cette année sa 50e édition et pour l’occasion, les organisateurs nous offrent une programmation des plus diversifiées. Pour cette troisième revue, je me permets de vous présenter trois longs métrages qui, s’ils ne sont pas tous aussi marquants que je l’aurais souhaité, ont tous quelque chose à offrir en termes d’expérience cinématographique : Bliss, In The Mirror et Le bruit des moteurs valent le détour.

Par William Pépin, chef de pupitre aux arts

 

 Bliss (Glück) — Henrika Kull

Long métrage — Fiction — Allemagne

Réalisation et scénario : Henrika Kull | Distribution : Katharina Behrens, Adam Hoya, Nele Kayenberg

Synopsis : Dans une maison close berlinoise, de nos jours, deux femmes tombent amoureuses. Sascha est une travailleuse du sexe vétérane, Maria, une jeune Italienne qui débarque et débute. Indépendante et frondeuse, Maria envoûte immédiatement Sascha. Mais aussi solaire qu’elle soit, leur passion sera fragilisée par leur passé et le monde extérieur… Élaborée avec une grande authenticité dans un milieu observé avec bienveillance et naturel, cette fiction sur l’émancipation féminine et la rencontre amoureuse traite d’un sujet complexe avec justesse et beauté. Les clichés misérabilistes habituels sont évacués pour laisser toute la place aux vibrantes performances de Katharina Behrens et Adam Hoya, des femmes en pleine possession de leurs corps et de leurs cœurs.

Oui, la proposition d’Henrika Kull démystifie la prostitution, brise les tabous, les préjugés et les a priori que nous pourrions entretenir sur la question. Nous aurions tort, cependant, de réduire Bliss à une vocation sensibilisatrice. Il s’agit ici de tellement plus : d’autodétermination, de solidarité et d’émancipation féminine, mais surtout d’une passion qui ne saurait se briser au gré des marées d’un monde de plus en plus étouffant. Malgré ses qualités indéniables, le long métrage s’étend un peu en longueur: il semble y avoir une dizaine de minutes de trop qui déséquilibre l’ensemble. Outre la maturité avec laquelle Kull traite de son sujet, les deux actrices principales donnent vie au propos.

 

In The Mirror (Spogulis) — Laila Pakalnina

Long métrage — Fiction — Lettonie/Lituanie

Réalisation et scénario : Laila Pakalnina | Distribution : Madlena Valberga, Lauris Dzelzitis, Elza Leimane

Synopsis : Comment réactualiser un classique d’entre les classiques tels que l’histoire de Blanche-Neige ? Avec cette œuvre aussi jouissive que radicale, la Lettone Laila Pakalnina rompt avec une riche tradition littéraire en dénonçant le narcissisme contemporain et le culte du corps à l’ère des réseaux sociaux.

Sur papier, certaines idées se révèlent parfois tout simplement géniales : des idées ingénieuses, pertinentes, nécessaires; non seulement pour renouveler notre vision du monde, bouleverser nos idées préconçues ou encore nous faire réfléchir, mais également pour transgresser l’ordre établi. C’est le cas de In The Mirror, un film rempli de bonnes idées et de nobles intentions : sur papier. Ici, l’égoportrait se métamorphose en procédé filmique qui, s’il n’est pas dénué de sens, agace par son manque de finesse. C’est d’autant plus dommage que ce procédé supporte le film à lui tout seul. Oui, d’accord, nous vivons dans une société narcissique, esclave de l’ego, du petit moi minable, prisonnière de l’instant. Merci pour le mémo, mais j’avais compris dès les deux premières minutes; il a quand même fallu que vous en ajoutiez 82. Sur le plan formel, l’exercice reste intéressant et la fin m’empêche de considérer le long métrage en tant que pur produit cynique.

 

Le bruit des moteurs — Philippe Grégoire

Long métrage — Fiction — Canada

Réalisation et scénario : Philippe Grégoire | Distribution : Robert Naylor, Marie-Thérèse Forint, Tanja Björk

Synopsis : Alexandre travaille pour la douane canadienne à titre de formateur à l’armement. Après enquête, son excentrique directrice le suspend deux semaines pour « sexualité compulsive ». De retour chez sa mère, propriétaire de la piste de course d’accélération de Napierville, il fera la rencontre d’une jeune pilote islandaise amoureuse des films d’André Forcier.

Ok, ça, ça fait du bien. Pour un premier long métrage, je ne peux qu’être impressionné par le talent de Philippe Grégoire. Tout y est : une direction artistique impeccable, un scénario qui permet de jongler efficacement entre moments sérieux, cérémonieux et comiques, des acteurs et actrices fantastiques… Le bruit des moteurs, c’est l’incarnation d’un talent prometteur. Par la poésie de l’image, on assiste à une quête sans fin d’un chez-soi qui ne viendra sans doute jamais, mais aussi à une recherche d’identité déchirante qui, en apparence indénouable, laisse l’espoir mariner.

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