Fontarabie à l’Impérial : Les absents ont eu tort

Une série de trois performances musicales est apparue tel un cadeau imprévu, un mirage dans le calendrier musical de la ville de Québec.

Bernhari, puis Fanny Bloom suivie de l’exaltant Fontarabie se sont succédés. Telle était l’impressionnante programmation de ce spectacle gratuit. La triple performance offerte ce samedi 4 octobre a su faire vivre aux gens présents ce magnifique et rarissime sentiment d’être au bon endroit au bon moment.

Bernhari le mystérieux

Le concert a débuté avec les sonorités pop vaporeuses de Bernhari qui, au matin de sa carrière solo, nous présente déjà une poésie chevronnée, infusée d’allusions à la culture russe, à la guerre et surtout, à l’amour. La musique, ponctuée de guitare électrique, accompagne la voix de Bernhari, lointaine et extraordinairement singulière. Dommage que cette voix nouvelle et magnifique ne prenne pas plus de place et qu’on la perde trop facilement au profit des percussions et de la fumée synthétique.

La vivante Fanny Bloom

Fanny Bloom, avec son énergie charmante, est venue bénir la foule de sa pop à saveur électro, vivante et fraîche. La jeune interprète a tenue bonne compagnie au public et est aisément parvenue à le réchauffer. Sa voix, dont les nuances et la puissance rappellent celle d’Ariane Moffatt, prit toute son ampleur lorsqu’elle se retrouva, le temps d’une chanson, seule au piano.

Fontarabie, entre élégance et épouvante

La troisième partie, Fontarabie, c’est d’abord le projet solo de Julien Mineau, chanteur et guitariste de Malajube. Pour le musicien, ce mot évoque sa propre migration vers la quiétude du rang Fontarabie à Sainte-Ursule en Mauricie, en même temps que son isolement face au chaos de la métropole ainsi qu’aux contraintes du show-business. « J’avais besoin de ça, de m’isoler un peu, je sais pas pourquoi. C’est dangereux, en même temps. Je suis un peu viré fou avec ça mais, je m’en sors. »

Cette folie, Mineau semble la canaliser dans son projet à travers des orchestrations où le lugubre voisine l’élégant et le grandiose. Ainsi, Fontarabie, qui inclut autant de pistes chantées que de morceaux uniquement instrumentaux dans sa prestation nous emmène ailleurs. Il nous emmène là où la mélodie douce et sordide du célesta est frappée violemment d’irruptions musicales où s’emportent, dans un chaos contrôlé, les cuivres, les vents, les cordes et les percussions.

Cette alternance de calme planant et de tempête symphonique est magnifiquement rehaussée du caractère fantomatique du célesta. Particulièrement apprécié par Tchaïkovsky, cet instrument à clavier confère à Fontarabie, selon Mineau, « le contraste d’un son angélique et d’une impression de film d’horreur ». L’ambiance cinématographique de l’album réfère autant au cinéma d’épouvante qu’aux films pour enfants par l’agressivité des orchestrations vives et le son de boîte à musique du célesta.

Sur scène, le son de Fontarabie est d’autant plus magistral et hors du commun. Quelques treize musiciens à la concentration imperturbable se tiennent sur scène, l’air infiniment heureux d’être présents. Les élans musicaux fantasmagoriques entrecoupés de séquences aériennes à la quiétude presque sinistre nous terrifient en même temps qu’ils nous fascinent. Demeurer à l’écoute et attentif aux innombrables nuances est la clé pour véritablement vivre l’expérience Fontarabie.

Ponctué de sons parfois subtils, parfois monstrueux, le spectacle est grandiose. La voix spectrale de Julien Mineau, dont les interventions sont rares, est comme un écho dans la nuit, suffisamment présente et suffisamment effacée.

Le retour de Malajube ?

En plus des performances d’artistes prometteurs, ce soir-là à l’Impérial, on a pu assister au résultat des interrogations d’un musicien d’expérience sur la réelle nature de la création musicale et sur ses propres limites. Lorsqu’on demande à Julien Mineau ce qu’il adviendra de Malajube, au repos depuis maintenant deux ans, il répond : « Je suis trop faible mentalement pour recommencer la machine et j’ai le goût d’explorer encore. » À la lumière de son premier projet solo, cette réponse semble beaucoup promettre.

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