La Société des loisirs aux Treize : dégoût, haine et névrose

Pour la deuxième et dernière pièce de leur automne minceur, les Treize ont offert au public La Société des loisirs de François Archambault, pour lequel l’homme de théâtre a d’ailleurs remporté en 2003 le prix du meilleur texte original à la défunte Soirée des Masques.

La production nous propose une nouvelle incursion dans l’inépuisable (mais épuisé un peu, quand même) univers de la satyre sociale moderne, où l’on baise comme l’on consomme, avec l’envie désespérée d’oublier.

 La Société des loisirs raconte un naufrage : celui du couple formé par Marie-Pierre (Sophie Simard) et Pierre-Marc (Louis Vézina), tristes trentenaires mis K.O. par l’infernale spirale du marmot/boulot/dodo. Parents dépassés d’un jeune bébé braillard, bourgeois moyens accrochés à leur confort comme à une planche de salut, les deux amoureux éteints incarnent la faillite d’un modèle, celui de la famille comptable, consumériste et mécanisée. Tant bien que mal cependant, ils parviennent à maintenir leur rafiot à flot, jusqu’à la visite de Marc-Antoine (Alexandre Bellemare), ami de jeunesse à la vie dissolue. Alors le vernis déjà usé craque, sous les yeux ébahis d’Anne-Marie (Sarah Michel-Brunnemer), très jeune « amie + » de Marc-Antoine.

On l’aura compris : ce qui est dénoncé ici, c’est encore une fois l’aliénation moderne et le cruel manque d’âme et d’authenticité d’une vie étouffée à la fois par les convenances et l’inconséquence. Le thème est aujourd’hui éculé, tant il a été servi et resservi, mais la vision de François Archambault vaut le détour. Le texte, acéré, est parcouru d’un humour cruel, presque sadique, mais indéniablement efficace, qui suscite les rires en quantité. Le regard du dramaturge est décapant, au point qu’il verse parfois dans la caricature, mais dans l’ensemble il n’en demeure pas moins pertinent. Quant à la finale, étonnement sombre, peut-être trop brusque, elle possède un formidable potentiel dramatique, qui n’est malheureusement que partiellement rendu par l’adaptation des Treize.

Si le texte tient la route, la mise en scène de Maureen Roberge est d’une simplicité qui frôle l’absence. Elle se réduit presque uniquement à une terne gestion des entrées et des sorties, dépourvue de toute imagination, et pêche par manque de dynamisme. Malgré ce vacuum, la distribution livre sa partition avec conviction et dévouement : Sophie Simard, particulièrement juste et intense, montre encore une fois qu’elle maîtrise très bien le registre de la femme de tête, belle et autoritaire (déjà exploré l’an dernier dans Les Négociations). Louis Vézina, très bon dans le rôle du mari conventionnel à l’excès, manque cependant de souffle dans les passages dramatiques, alors qu’Alexandre Bellemare et Sarah Michel-Brunnemer donnent tous deux une performance honnête et très efficace.

Bref, on passe un bon moment dans La Société des loisirs, et ce, même si l’on rit jaune tandis que ses protagonistes se noient lentement. Les Treize livrent une bonne production, mais on aurait malgré tout préféré davantage d’originalité dans le thème et dans la forme.

La Société des loisirs, une pièce de François Archambault, est présentée au Théâtre de Poche de l’Université Laval jusqu’au 6 décembre.

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