Courtoisie : Lise Breteon

L’anarchie des ombrages

L’un des événements les plus attendus de ce 14ième Carrefour que ces Reines de Normand Chaurette, inspiré par Shakespeare, dans une mise en scène de Frédéric Dubois.

Cyril Schreiber 

La cause d’un tel engouement ? La teneur de cette pièce, déjà montée par le passé dans l’ancienne Théâtre Périscope, dans la Tour Martello 4, la seule hors des Plaines d’Abraham, en plein cœur du Faubourg St-Jean-Baptiste. Quoi de mieux qu’une tour, un lieu par définition oppressant et coupé du reste du monde, pour jouer cette histoire de Reines, de femmes, autour du roi mourant Édouard IV – nous sommes le jeudi 20 janvier 1483 à Londres, ou aujourd’hui, peu importe, la monarchie passe mais la soif du pouvoir reste.

Ainsi, six femmes s’affrontent autour d’hommes invisibles, se défient, se tuent à coups de mots et de phrases assassines – la langue de Chaurette est poétique, soutenue, ample, son discours rempli de dialogues soutenus qui réussissent à capter notre attention, malgré la lourdeur du contexte et du sujet, faut-il bien l’avouer, c’est là que le bât blesse et le spectateur, déjà confiné physiquement et mentalement dans un espace restreint en demi-cercle, est contraint au cœur de l’action sans qu’il n’en ait fait la demande.

La mise en scène de Frédéric Dubois, on peut la qualifier de discrète, à l’écoute du lieu, comme expliqué par le principal intéressé lors de la rencontre avec le public après la représentation de vendredi. À part quelques éléments symboliques et/ou pratico-pratiques (principalement ces miroirs qui contrent la poutre centrale un peu gênante, aussi illustration du narcissisme de ces femmes), Dubois a concentré son travail sur le texte et le jeu d’interprétation des six actrices. Et quelles actrices : Marie-Hélène Lalande, Joanie Lehoux, Laurie-Ève Gagnon, Édith Patenaude, Valérie Marquis et Anne-Marie Côté (les cinq premières étant les fondatrices de la troupe des Écornifleuses) sont toutes magistrales, chacune à droit à son quart d’heure de gloire. Chaudement applaudies à raison. C’est la grande force des Reines, autrement aride, certes, mais le théâtre n’a pas à toujours être une partie de plaisir – il peut même être admirable dans de tels cas. Même dans une Tour Martello, lieu tout autant fascinant qu’étouffant.

Quoi ? Les reines
Qui ? Texte : Normand Chaurette, mise en scène : Frédéric Dubois
 ? Tour Martello 4 (rue Lavigueur)
Quand ? Jusqu’au 2 juin

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