Les Négociations aux Treize : espérer le lock-out

Susciter à la fois le rire et les larmes : tel était l’objectif avoué des Négociations, une pièce d’Érik Roby présentée à l’amphithéâtre Hydro-Québec de l’Université Laval du 18 au 22 mars. Malheureusement, force est de constater que cette proposition, malgré toute sa bonne volonté, manque singulièrement de tonus.

Avec Les Négociations, l’auteur et metteur en scène Érik Roby emprunte une recette éprouvée. Pour sa troisième création, il intègre — malhabilement — un déchirant drame familial à une enveloppe caricaturale qui semble inspirée de tout ce qu’un certain théâtre d’été a de plus inconséquent et bon enfant.

Une avalanche de clichés

Rien de bien original, donc, dans cette farce mal calibrée qui s’étire sur près de 2h15, alors qu’une négociation syndicale entre les employés d’un grand hôtel et leur patron piétine, sans trop de tension dramatique. Les porte-paroles discutent de bas reprisés et de savons d’hôtel alors que les différents délégués soupirent et s’entredéchirent à coups de petites piques, comme des enfants dans une cour d’école. Ici ou là, on réclame une augmentation, on condamne la sous-traitance. Tout ça, vraiment, est très édifiant.

Quant aux personnages, ils sont à l’avenant, sans grand relief, bien qu’attachants. Il a vraisemblablement suffi à l’auteur de deux ou trois grands traits pour brosser chacun d’eux. Ainsi, Jean-Jacques Patroni (Léonard Lavoie), le propriétaire de l’hôtel, est un Italien sanguin mais débonnaire, qui enchaîne les si et les por favor, les « i » et les « o » afin de bien nous rappeler sa Sicile originelle ; le chef Labouffe (Robin Bouchard) traîne un accent français à moitié convaincu et un air de bonne sœur effarouchée ; la plantureuse réceptionniste (Catherine Houle) couche à droite et à gauche… Quant au chef syndicaliste, soutenu par un jeune Chartrand, il se nomme Martin Larose ! Bref, la subtilité en prend pour son rhume.

Et les larmes ?

Si la première moitié de la pièce emprunte le ton d’une franche comédie, la seconde penche davantage du côté du drame, alors que le porte-parole syndical se retrouve face à son ex-femme, venue remplacée le représentant patronal opportunément emporté par une crise cardiaque (son nom : Vadeboncoeur). Enfermés dans la salle de conférence, les deux adversaires devront régler leur compte, révélant au passage la terrible situation qui les a séparés. Le moment aurait pu être touchant, mais encore une fois, tout est un peu trop gros. On saluera cependant cette tentative d’aborder une thématique plutôt sensible.

Sauver les meubles

Le texte d’Érik Roby, quoique pétri de bonnes intentions et non dénué d’humour, demeure hautement prévisible et souffre malheureusement d’un manque de pertinence (une nouvelle discussion sur les différends entre les baby-boomers et les Y, vraiment ?). Quant à la mise en scène, statique, plutôt terne, et ponctuée par d’interminables vidéos certes sympathiques, mais un peu ringardes, elle demeure bien sage. Restent les acteurs, tous pleinement investis, qui prennent à bras le corps leurs rôles et, en jouant franchement leurs personnages typés à l’outrance, parviennent à insuffler assez de vie à ces négociations pour qu’on n’en ressorte pas pleinement insatisfait.

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