Nightmare Alley : le monstre s’habille en Prada

Alors que la Grande Dépression touche à sa fin, Stanton Carlisle (Bradley Cooper), voyageur sans attache, atterit dans un cirque où il est engagé comme homme de main. Auprès de ses nouveaux ami.es Zeena (Toni Collette) et Pete (David Strathaim) – voyante et mentaliste – Carlisle apprendra tous les rouages de leur métier. Puis, au bras de Molly (Rooney Mara), il quittera le cirque de second ordre pour pénétrer la haute société new-yorkaise. Si le dernier long-métrage de Guillermo Del Toro a été l’enfant sacrifié de Disney au profit du pseudo enfant prodige No way home, le réalisateur de Pan’s Labyrinth et The Shape of Water a su tirer son épingle d’un jeu truqué avec sa mise en scène sensorielle et son amour pour la monstruosité.

Réalisation : Guillermo Del Toro | Scénario : Kim Morgan, Guillermo Del Toro d’après le roman de William Lindsay Gresham | Distribution : Bradley Cooper, Cate Blanchett, Rooney Mara, Toni Collette, David Strathairn, Willem Dafoe

 Par Emmy Lapointe, rédactrice en chef

Tout le monde sent mauvais
Dans les premières minutes du film, on a droit à une lumière nocturne et étrangement saturée dont les accents rouges, verts et terre nous rappellent les corps morcelés des no man’s lands sans cesse ramenés par Del Toro. À ça s’ajoutent de la terre sous les ongles, des mégots, des bières au fond de salive, bref, une saleté tenace qui semble macérer dans l’humidité des soirées de pluie et de la transpiration jamais lavée.

Dans la seconde partie, tout est soudainement plus sec, poreux, le doré, le rouge et le vert profond dominent encore, mais l’image laisse entrevoir une odeur de parfum de chez La Baie et des peaux poudrées.

Et c’est ainsi que même si j’écoute le film dans un café de la Basse-Ville, je suis absorbée dans l’écran 14 pouces de mon mac; Del Toro est un maître des textures, des odeurs, du toucher. Plus efficace encore que Spy Kid 4D.

Le monstre en nous
Quoi de plus effrayant que McGonagall qui se transforme en chat ou qu’un loup-garou sur un campus ? Les créatures mi humaines mi animales me rendent profondément mal à l’aise. Ce malaise, voire cette peur de la créature hybride réside dans cet étrange entre-deux du « c’est moi, mais ce n’est pas moi ».

L’amour pour le monstre en l’humain, pour l’humain dans le monstre, Del Toro nous en parle depuis des films, c’est sa darling. Love your darlings, kill your darlings disent les vieux auteurs anglais. Mais pour la première fois peut-être, le réalisateur de la monstruosité semble avoir tout dit sur le sujet, en avoir exploré tous les recoins, nous rendant ainsi incapables de se laisser toucher au-delà de la mise en scène et du jeu des acteur.ice.s (Cate Blanchett surtout) aussi bien orchestrés soient-ils.

Crédits photos :  Searchlight Pictures

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