Photo : Courtoisie Sylvie-Ann Paré

Nous aimons Hydro !

La pièce documentaire sur la société d’État Hydro-Québec, écrite et interprétée par la comédienne Christine Beaulieu, a fait un tabac au Théâtre de la Bordée le mardi 29 novembre dernier. Par ici la liste d’attente si vous désirez avoir une place avant le 9 décembre , toutes les représentations étant déjà sold-out à Québec.

Le personnage de Christine Beaulieu, dramaturge prise par un train de vie entre théâtre et relations amoureuses saccadées, ne se soucie que très peu d’Hydro-Québec, qui pourtant fait largement partie de la vie quotidienne de tous les Québécois.

Quand Annabel Soutar, directrice artistique de la pièce J’aime Hydro et avant tout fondatrice de Production Porte Parole, propose à Christine de se lancer dans des recherches sur la production d’énergie au Québec et d’en faire une œuvre documentaire, cela provoque un choc thermique chez la jeune comédienne.

Après beaucoup d’hésitation, elle capitule devant la sollicitation charismatique de Soutar et plonge dans le projet la tête première, sans aucun contact ni aucune matière. Au fil des épisodes de la pièce, ce sont ses amis de près ou de loin, son tendre père et même des acteurs de la machine Hydro-Québec, qui l’aideront à battre son chemin vers la vérité. 

Une problématique québécoise ou universelle ? 

Un nouveau barrage est en construction à l’époque où se déroule les épisodes, entre 2013 et 2016. Un barrage sur la rivière Romaine qui traverse la réserve Unamen Shipu dans la région nord du Golfe du Saint-Laurent. Ce projet lancé par Hydro-Québec, qui a d’ailleurs fait l’objet du documentaire paru en 2010 Chercher le Courant (Nicolas Boisclair et Alexis de Gheldere), soulève une polémique attaquant directement le projet d’Hydro-Québec.

Quelles en sont les conséquences sur l’environnement? Les sources sont introuvables, Hydro-Québec étant une « petite  boîte noire inaccessible  » pour Christine. Il n’y a qu’une solution pour elle : se rendre à la source de toutes les problématiques, directement à la Romaine. En voiture électrique, bien entendu.

Elle entame ce long voyage vers le Nord et en profite pour interroger les habitants. Sur place, elle a la chance de pouvoir visiter les souterrains du barrage encore en constructions en compagnie d’un des ouvriers. Au cours de son périple, Christine recueille un patchwork de témoignages qui la noient dans la perplexité .

Certains d’entre eux soutiennent qu’il s’agit d’un beau projet qui fournit du travail et qui fait la fierté du Québec, alors que d’autres scandent qu’il s’agit d’une aberration pour la planète, une affaire qui coûte plus chère qu’elle ne rapporte, un business qui n’a aucune utilité. 

Québécoise, mais avant tout humaine 

Christine bouleverse le public de par son humanité. Elle semble si fragile au début du premier épisode, comme une icône de l’ awkwardness  d’adolescence dont on ne peut échapper et qui parfois s’accroche à la peau comme maladie, même passé l’âge adulte.

Un peu perdue, un peu mêlée dans ce projet qui la dépasse, elle parvient à pousser les portes ouvertes dans ce monde d’hommes non pas en tant que femme, mais en tant qu’être humain. Car en tant que femme, elle fait face aux critiques du beau-frère : « Si on s’intéresse à toi pour ce projet, c’est parce que t’es jolie ».

Elle boit la tasse aux colloques, se fait rediriger, à droite, à gauche. On prend une respiration au troisième épisode, on la regarde et on se demande si c’est toujours le même personnage, car elle parle déjà un peu plus fort et se tient un peu plus droite.

Sa quête se voit être teintée par une relation qui semble être vouée à l’échec, en partie à cause de ce projet qui suscite tant d’incompréhension, parce que si peu considéré. Au cours de ce voyage dans la réserve Romaine, elle en vient aussi à se demander si les peuples autochtones avaient eu leur mot à dire sur ce projet et ainsi à questionner son identité québécoise.

Ce n’est pas seulement la quête de Christine, c’est aussi la quête en Christine. Y a-t-il une réponse à la problématique Hydro-Québec ? Discutons-en. Parallèlement, Christine nous encourage à remercier. Remercier pour la Terre qui nous porte à chaque seconde et que nous ramonons sans pitié, parce qu’elle se garde de se défendre. Après tout, ce n’est pas elle qui a mal, mais bien nous. 

De belles leçons que nous apprend la pièce J’aime Hydro, jusqu’au 9 décembre au théâtre de la Bordée, en Basse-Ville de Québec.

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