Portrait de Marie-Nicole Lemieux - Photo: Courtoisie - Geneviève Lesieur

Un pari réussi pour Fabien Gabel

Dans le cadre de ses Jeudis presto, l’Orchestre symphonique de Québec (OSQ) présentait le 27 septembre dernier le concert Marie-Nicole Lemieux et Michael Schade chantent Mahler dans la salle Louis-Fréchette du Grand Théâtre de Québec. C’était une occasion en or, tant pour les connaisseurs que pour les néophytes, d’entendre les deux grandes voix interpréter Le Chant de la Terre (Das Lied von der Erdedu compositeur et pianiste autrichien Gustav Mahler, sous la direction du maestro Fabien Gabel, mais également d’admirer le travail des musiciens et musiciennes de demain au cours de la soirée, des étudiant(e)s de la Faculté de musique de l’Université Laval et du Conservatoire de musique de Québec ayant été conviés à ce rendez-vous lyrique, rafraîchissant et visiblement apprécié du public. 

C’est un Québec mélomane sur un rush de sucre du blockbuster en plastique de la veille – André Rieu n’a pas eu besoin de se blesser au dos pour annuler son spectacle au Centre Vidéotron le 26, vu les 12 000 billets vendus -, qui s’est présenté au Grand Théâtre pour une soirée sous le signe de la sobriété, mais également de la déférence. C’est en effet avec un hommage au violoniste Jean-Louis Rousseau, décédé le 17 septembre dernier, qu’a débuté la présentation. M. Rousseau a officié à l’OSQ pendant 52 ans, fréquentant ainsi de nombreuses cohortes d’instrumentistes, dont les plus récents en date se sont levés sur scène pour bien souligner l’influence de l’homme – presque tout le monde, à l’exception bien sûr des étudiants de l’Université Laval et du Conservatoire, où il a enseigné plusieurs années, étaient debout.  

Portrait de Michael Schade – Photo: Courtoisie – Harald Hoffmann

Le premier violon, Catherine Dallaire, a souligné l’importance de son ancien collègue au sein de l’institution et du monde musical de Québec, avant de voir Fabien Gabel monter en scène pour diriger, en guise d’ouverture pour cette soirée, Dans le vent d’été du compositeur Anton Webern, autrichien comme Mahler. Magnifique entrée en matière, d’une parfaite maîtrise de la part des musiciens ; on en aurait redemandé, si ce n’est que le programme principal allait débuter, la contralto Marie-Nicole Lemieux et le ténor canadien Michael Schade faisant leur entrée sous les applaudissements du public. 

Lemieux investie et émouvante 

« J’ai longtemps hésité à aborder Mahler, soit par pudeur, soit par crainte de ne pas saisir l’architecture de ses monumentales symphonies, affirmait le maestro Gabel en présentation du programme de jeudi dernier. Mais parfois, les échanges entre artistes peuvent être déterminants et je serai à jamais reconnaissant envers Marie-Nicole Lemieux de m’avoir vivement incité à diriger Mahler. »  

L’audace aura payé pour Gabel, Lemieux et l’OSQ, puisque que Le Chant de la Terre, œuvre relativement complexe de Mahler, mettant en musique des poèmes traditionnels chinois adaptés par Hans Bethge, a été présenté au public attentif avec une parfaite fluidité, les deux chanteurs s’alternant aux devants de la scène dans six pièces (pour six différents poèmes) où l’ivresse, le chagrin, le désespoir, puis l’espoir, furent tour à tour palpables. 

Le seul véritable petit bémol à signaler au court de ce concert d’un peu plus d’une heure : l’interprétation du premier poème Chanson à boire de la douleur de la terre (Das Trinklied vom Jammer der Erde) par Michael Schade semblait contenue, ou du moins était peu convaincante. Manque d’échauffement en début de concert, probablement, pour cette voix parmi les plus acclamées de sa génération, puisque Schade allait s’en tirer admirablement pour ses tours de chant subséquents, l’interprète se faisant enfin le vecteur de toute l’émotion contenue dans l’oeuvre de Mahler. 

Celle que l’on comprend être l’initiatrice du projet, Marie-Nicole Lemieux, était notablement plus investie, et ce, dès que les premières notes se furent entendre. Même assise derrière Schade, paroles et partitions à la main, son visage exprimait bien la forte charge sentimentale des pièces. À partir de sa première prestation, Le solitaire en automne (Der Einsame im Herbst), le public, ainsi que le maestro Gabel, qui semblait particulièrement de connivence avec l’interprète, étaient conquis.

La soirée entière s’est soldée par un véritable succès, le public saluant énergiquement les musiciens, Gabel, Lemieux et Schade, en fin de parcours, ces derniers revenant par trois fois sur scène pour recueillir ses acclamations.

 

Consulter le magazine