Photo: Léa Martin

Le pavillon Gérard-Morisset fait peau neuve

Après plus d’un an de fermeture, le pavillon Gérard-Morisset du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) peut enfin fêter son 85e anniversaire en beauté, puisqu’après d’importants travaux d’actualisation, ses portes sont à nouveau ouvertes au public depuis le 15 novembre dernier. Les sept salles du bâtiment dessiné par l’architecte Wilfrid Lacroix servent d’écrins à trois expositions originales : 350 ans de pratiques artistiques au QuébecD’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?, et Mirage blanc. Dans des installations à la fois ludiques et soucieuses d’exprimer de manière transparente le récit historique québécois, les collections d’art ancien et moderne du Musée, mais également certaines acquisitions récentes, sont exploitées à leur plein potentiel. 

C’est dans le but d’actualiser la proposition artistique offerte dans le pavillon inauguré en 1933 que les travaux ont été effectués, certes, mais aussi afin de le mettre à niveau avec les autres pavillons du MNBAQ. Marie-France Grondin et Jean Hazel au design et au graphisme de 350 ans de pratiques artistiques au Québec, ainsi que Danièle Lessard et Nathalie Racicot dans le même rôle pour les deux autres expositions, ont contribué de manière raisonnée et moderne à ce que le visiteur découvre la richesse des collections du Musée avec un regard neuf, dans un environnement suscitant la réflexion autant que l’émerveillement. Les œuvres de plusieurs générations d’artistes y sont présentées sans faux-fuyants, mais avec un accent nouveau mis sur le contexte de leur création ; pas de réécriture historique, donc, dans les différentes salles qui proposent plutôt une diversité de voix pour donner un relief historique et social inédit et nécessaire à l’art québécois remontant jusqu’à l’époque de la Nouvelle-France.  

Photo: Léa Martin

Un questionnement sur la place faite aux femmes dans les pratiques artistiques au Québec imprègne les nouvelles propositions du Musée. Celles-ci témoignent de leur prépondérance en tant que sujets picturaux, tout en dénonçant de façon intéressante l’acceptation plutôt tardive de la création au féminin. Les Premières Nations bénéficient également d’une meilleure représentativité, tant par la présentation de leurs œuvres que par une approche critique et nuancée de leur illustration dans le récit national. Alors que des fresques représentant John A. Macdonald ou l’arrivée de Jacques Cartier dans le Nouveau Monde auraient pu être remisées, la transparence et la pédagogie ont été préférées à une opération de caviardage historico-artistique. « Bien que diverses cultures aient été présentes sur l’actuel territoire québécois au cours des millénaires qui ont précédé l’arrivée des Français, est-il spécifié dans le communiqué de présentation de l’exposition 350 ans, la culture coloniale est devenue la valeur de référence, il y a quelque 500 ans. Le sort réservé aux autochtones dans l’histoire du Québec se reflète dans la collection du Musée. » 

Plus de trois siècles en cinq thèmes complémentaires 

L’exposition 350 ans de pratiques artistiques au Québec se décline en cinq thèmes différents pour autant de salles, chacune d’entre elles s’étant vu attribuer un nom évocateur des périodes ou mouvements qui y sont proposés :  CroireDevenirRessentirImaginer et Revendiquer 

Croire, offre à voir un florilège d’œuvres d’inspiration religieuse, des origines de la colonie jusqu’au 19e siècle, époque où les sculptures, tableaux et orfèvreries étaient souvent importées de France. L’installation de ces témoins d’une époque où même la création se voulait scrupuleusement liturgique, permet au visiteur de voir la teneur humaine de leur conception. La deuxième salle est occupée par Devenir, une collection de portraits de la société du Bas-Canada, à l’époque où cette discipline était appréciée et utilisée par la bourgeoisie afin d’assoir leur statut social. La disposition des toiles et des photographies suit une idée de réseautage, par couplage de portraits. Un design d’inspiration Facebook, en quelque sorte. 

Imaginer, troisième salle de l’exposition, nous permet de pénétrer dans l’atelier de Napoléon Bourassa, créateur de fresques historiques monumentales, alors qu’installés sur un tapis rouge à l’arrière, des livres doublés d’écrans interactifs nous font aborder avec une perspective féminine les divers événements représentés sur toile. Les femmes et filles de patriotes sont ainsi enfin entendues, par exemple, dans une superposition éclairante nous les présentant pour ce qu’elles sont : des patriotes à l’ombre de nos manuels d’histoire elles-mêmes. 

Ressentir, collection d’œuvres principalement impressionnistes, offre dans toutes les nuances de nos quatre saisons, la splendeur de notre territoire. Le parcours à l’intérieur de la salle suit l’ordre de ces saisons, dans un souci de lisibilité pour tous les publics, alors que la portion arrière de l’espace donnera l’occasion aux étudiant(e)s en arts visuels de l’Université Laval de présenter leur propre exposition thématique puisée dans les collections du Musée. Revendiquer, pour terminer, s’attarde à la production du 20e siècle à aujourd’hui, « marquée par la contestation de l’académisme », où l’on pourra rencontrer tant Paul-Émile Borduas et les automatistes que les Plasticiens.  

L’identité en ce vaste espace enneigé 

Le rez-de-chaussée du pavillon Gérard-Morisset accueille quant à lui deux nouvelles expositions : D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ?, à voir jusqu’au 19 novembre 2019, et Mirage blanc, présentées jusqu’au 12 mai 2019. En guise d’introduction à la première, le MNBAQ nous indique qu’«[i]l est important que l’histoire, autrefois rédigée par une main dominante, entende, reconnaisse et inscrive, en nos temps de réflexion postcoloniale, la mémoire de ceux qui ont subi cette emprise.» Pour ce faire, elle est subdivisée en trois thèmes : Rompre avec l’histoire coloniale du QuébecLes blessures associées à cette histoire et Le populisme de droite, inquiétude populaire et identité, d’une criante actualité. Mirage blanc est quant à elle une réflexion à travers une variété de médiums, de la peinture et la sculpture à la photographie et la céramique, sur l’hiver et les réalités qui y sont associées.

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