Les remèdes de grand-mère au Québec : concoction à double tranchant | Critique | Littérature

Avec Les remèdes de grand-mère au Québec, Mia Dansereau-Ligtenberg effectue un travail remarquable : non seulement l’historienne et agricultrice biologique regroupe dans cet ouvrage les différents remèdes de la médecine populaire qui ont traversé l’histoire du Québec, mais dresse également un portrait historique de la relation tumultueuse entre la population québécoise et la médecine dite scientifique, médecine jadis coûteuse et peu accessible.

Par William Pépin, journaliste web

« Pour éliminer un rhume : pressez le jus de deux citrons dans de l’eau bouillante avec un peu de miel. »

« Vos reins sont-ils malades? Prenez une pomme, coupez-là en quartiers minces, versez dessus de l’eau chaude, laissez infuser pendant deux heures, sucrez et buvez. »

« Si vous avez mal à l’oreille, sachez que l’huile de camomille ou d’amande douce tiède sera du plus bienfaisant effet. »

Si l’aspect arbitraire de ces remèdes peuvent en faire sourire plusieurs, Mia Dansereau-Ligtenberg nous fait comprendre qu’il s’agit non seulement d’astuces qui permettent d’éviter une visite onéreuse chez le médecin, mais également d’une forme de tradition orale qui représente une autre manière de penser la santé. L’exemple le plus parlant est la théorie des signatures qui consiste à traiter un organe malade avec une plante, un fruit ou tout autre aliment qui possède sa forme, comme les quartiers de pomme pour soigner les reins.

Avec cet ouvrage, on peut aisément comprendre pourquoi une partie de la population s’est distancée de la médecine dite scientifique. Cependant, l’agencement des thèmes qui constituent ce livre semble construit pour entretenir cette idée que, même en 2021, la science n’est qu’une alternative médicale. Or, en pleine pandémie de COVID-19 et au moment où la vaccination est boudée par un groupe considérable de sceptiques, on peut légitimement se demander s’il est judicieux d’entretenir ce genre d’idée. Le principal enjeu, par les temps qui courent, n’est-il pas au contraire de rétablir le lien de confiance entre une tranche de la population plus sceptique, voire conspirationniste, et la science? Peut-être que l’existence de l’un n’empêche pas l’autre, mais j’ai tout de même un malaise sur ce plan. L’autrice termine toutefois son ouvrage sur un appel à « retrouver l’humanité dans le système et mettre l’accent sur une relation médecin-patient plus égalitaire », illustrant donc que le problème ne réside pas tant dans la médecine dite scientifique que dans la relation de confiance entre une institution et la population.

Médecine populaire : quand il n’y a pas d’autre choix
Malgré ma réserve, il faut savoir qu’à l’époque, la médecine traditionnelle coûtait cher et qu’elle était peu accessible pour une majorité de la population, plus défavorisée. Si on ajoute à l’équation le fait que plusieurs des médecins de l’époque méprisaient cette catégorie d’individus en les accusant de tous les maux et que la maladie constituait une inquiétude majeure dans la société, on peut comprendre que plusieurs se soient tournés vers les remèdes de grand-mère, faute d’accès à des soins.

Une place majeure est faite aux femmes dans cet ouvrage. Grandes oubliées de l’histoire, elles ont pourtant occupé des rôles cruciaux dans la population. La plupart assumaient le rôle de premières « médecins de famille ». Prodiguant des soins aux membres de leur famille, elles s’entraidaient entre sœurs, voisines et amies pour se partager leurs différentes astuces et remèdes que l’on retrouve aujourd’hui grâce à cet ouvrage.

En terminant, je m’en voudrais de ne pas mentionner le travail de Mathilde Cinq-Mars, talentueuse illustratrice dont les dessins sont à l’honneur dans ce livre.

Consulter le magazine