Et si les sanglots t’étouffaient? : fouillis hystérique

Avec cette œuvre originale de Virginie Lachapelle, présentée du 19 au 23 février au Théâtre de Poche, les Treize nous offrent le deuxième acte de leur quête identitaire hivernale. Malheureusement, dès les premières minutes, cette nouvelle production s’étouffe, vivotant péniblement jusqu’à sa fin décevante.

Ce n’est pas que les acteurs aient démérité, loin de là. Thomas Langlois, en scientifique philosophe un peu fêlé, et Antoine Ciclaire, dans la peau d’un solitaire doux et romantique, livrent des performances dignes de mention. Ils sont soutenus efficacement par Marie Auger Bellemare et Paul Belnard, dont les personnages exubérants et éclatés habitent la scène de belle manière. De ce côté-là, vraiment, rien à redire. Tout le reste, par contre, va à vau-l’eau, et même la solidité des comédiens ne parvient pas à sauver du naufrage cette création ambitieuse, mais vaine.

Le décor, composition fantasmatique faite d’échelles, de trappes béantes, de globes lumineux suspendus et de solutés égrenant les gouttelettes comme autant de secondes, semblait pourtant porteur de belles promesses. Hélas!, l’amorce de la pièce, pompeuse, muette et interminable, sorte de chorégraphie s’apparentant à un péché esthétisant de mise en scène, met la table pour la suite : on veut faire sens, sans y parvenir. Selon les mots mêmes de son auteure, Et si les sanglots t’étouffaient? « se veut un hommage aux genres dramaturgiques de l’après-guerre », à des auteurs comme Sartre, Beckett ou Ionesco. Une œuvre sur la solitude, une réflexion sur l’isolement, livrée dans un univers complètement fou et déjanté, comme figé hors du temps, dans un ailleurs incertain. Le programme est ambitieux. Et, au final, il aboutit à une pièce prétentieuse, truffée de répliques creuses, et dont on ne sait trop s’il faut la prendre au sérieux, comme la réflexion profonde qu’elle semble prétendre être, ou la considérer tout simplement comme un divertissement léger et fort mal calibré. Explorer l’absurde, genre ingrat et difficile s’il en est un, demande une grande maîtrise de la langue et du propos, une certaine pertinence dans le traitement du sujet aussi, toutes choses dont la création de Virginie Lachapelle est dépourvue. Et c’est bien dommage.

Quant à la mise en scène de Chantal Prud’homme, agressive et très physique, savamment chorégraphiée, elle offre parfois de belles fulgurances, mais le plus souvent elle pèche par excès, provoquant même l’irritation à quelques occasions. Certes, tout n’est pas noir : cette rencontre improbable entre deux êtres profondément originaux finit par susciter un intérêt, une certaine implication émotionnelle. Et le public réuni au Théâtre de Poche lors de la première, apparemment de fort bonne humeur, ne s’est pas montré avare de rires. Malgré tout, la production d’Et si les sanglots t’étouffaient? ressemble à un grand corps cherchant désespérément son air : le chemin est saccadé et l’arrivée, douloureuse.

 

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