Spider-Man : No Way Home – Une bouillie multiverselle sur lit de nostalgie

Ça y’est : après des mois d’attente, d’impatience et de teasing, voici venu le moment d’aller voir en salle ce Spider-Man : No Way Home. Troisième long-métrage d’une trilogie amorcée en 2017 et sixième opus où Tom Holland incarne l’homme-araignée pour les écuries Marvel, c’est un euphémisme de dire que les fans en attendent beaucoup de ce film. Qu’en est-il donc de cette proposition, si prometteuse sur papier, d’un film aux frontières multiverselles s’effritant au nom de la sacro-sainte nostalgie? Cette énième itération de l’histoire de Peter Parker n’est-elle qu’une coquille vide prête à surfer sur les œuvres qui la précèdent pour combler les salles obscures, ou bien est-ce, tout de même, un peu plus compliqué que ça?

Réalisation : Jon Watts | Scénario : Chris McKenna et Erik Sommers | Production : Kevin Feige et Amy Pascal | Distribution : Tom Holland, Zendaya, Benedict Cumberbatch, Alfred Molina, Jamie Foxx, Jacob Batalon, Marisa Tomei, Willem Dafoe

Le film fait directement suite à Spider-Man : Far From Home, précédent opus sorti en 2019, où l’intrigue se terminait avec l’identité de Spider-Man révélée au grand public. En théorie, dans cette suite, Peter Parker doit faire face aux conséquences judiciaires et sociales de cette révélation même si en réalité cette problématique est rapidement balayée sous le tapis. Désespéré et à court de solutions, Peter se rend chez le Docteur Strange afin que ce dernier puisse faire oublier à la planète entière qu’il est Spider-Man. Le sorcier accepte de l’aider, mais le sort rate au moment de l’exécution (pour une raison qui m’a fait lever les yeux au ciel, mais passons) : les problèmes de Peter Parker semblent désormais bien dérisoires devant la brèche multiverselle qu’ils viennent d’ouvrir où de vieux ennemis des années 2000-2010 s’engouffrent avec joie.

Pour ce qui est de la mise en scène de Jon Watts, il n’y a rien à sauver : pas une image – pas une – n’est digne de mention. Je ne pense pas exagérer en affirmant qu’il s’agit d’un film plutôt laid, à la facture froide et bétonnée si chère aux productions Marvel. La grande tragédie de ce film est d’avoir une idée exceptionnelle et de l’exécuter avec mollesse : c’est plat et nous sommes à des années-lumière de ce que nous offraient Sam Raimi ou même Marc Webb en matière de mise en scène. À l’instar d’un Infinity War (même si bien moins maîtrisé que ce dernier), les premières scènes s’enchaînent avec un rythme si effréné que l’on peut légitimement se demander si ce n’est pas pour faire oublier aux spectateur.trice.s les nombreuses failles du scénario. Ce n’est d’ailleurs pas la seule technique de diversion qu’emploie le film pour cacher sa médiocrité: le facteur nostalgique y est pour beaucoup. Décidément, le vrai prestidigitateur ici, c’est le scénario, pas Docteur Strange.

Néanmoins, à ce stade de ma critique, je dois vous avouer quelque chose : malgré ses (terribles) défauts, le film m’a eu. Je ne détaillerai pas en quoi, question de vous préserver de fâcheux divulgâcheurs, mais disons que No Way Home réussit à manier plutôt habilement l’équilibre entre la nostalgie tirée d’œuvres du passé et l’évolution de sa propre intrigue, notamment par le développement du personnage de Peter, qui atteint ici des sommets qui feront certainement couler plusieurs larmes. Le long-métrage (très long, d’ailleurs) arrive à faire ressentir quelque chose au public. Ce n’est pas rien.

Il faut d’ailleurs souligner la performance de Tom Holland, qui affine son jeu de film en film. Même s’il est sans doute plus facile de se démarquer aux côtés d’un Alfred Molina impatient que la caméra s’éteigne pour encaisser son chèque et d’un lézard immonde, il n’en demeure pas moins qu’enfin, on croit en son incarnation de Peter Parker. Son cœur palpite, ses larmes ruissèlent et nous y croyons. Mention spéciale à Willem Dafoe, qu’on prend plaisir à retrouver dans son rôle de Bouffon Vert, même si le scénario lui en donne bien peu à se mettre sous la dent, hélas.

Je mentirais si j’écrivais avoir détesté ce No Way Home, mais je mentirais davantage si j’affirmais qu’il s’agit d’un bon film remplissant toutes ses promesses. En fait, il y a à boire et à manger dans ce Spider-Man : le meilleur côtoie le pire et inversement. Après tout, il faut prendre le film pour ce qu’il est et laisser de côté sa pédantise cinéphilique : c’est un divertissement. Un divertissement inégal, certes, mais suffisamment audacieux pour permettre à la licence de renouveler le plaisir des spectateur.trice.s et préparer la suite des aventures d’un Spider-Man beaucoup plus mature et fidèle à son archétype super héroïque. Quoiqu’il en soit, après ce visionnage, il m’est de plus en plus difficile de donner tort à Martin Scorsese quant à son opinion sur les films Marvel : peut-on encore considérer ces derniers comme du cinéma? Sans doute, mais la question mérite d’être posée.

© Crédits photo : Marvel Studios

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