Bande-dessinée : orgasmes et fantômes

La bande dessinée Les petites distances écrite par Véro Cazot et illustrée par Camille Benyamina est publiée chez Casterman en 2018. Cette lecture était ma première entrée dans le monde de la bande dessinée pour adulte. Le scénario m’a surprise, car il inclut différents épisodes où la sexualité est explicite. J’ai été naïvement emportée par les subtilités des relations entre les personnages.

Par Léonie Faucher, rédactrice en chef

Je me souviens de cette bande dessinée que ma mère m’a donnée après sa lecture. Elle m’a regardée dans les yeux en me disant : « Toi qui est en littérature, je veux que tu lises ça et que tu me dises ce que tu as compris. Moi, je n’ai rien compris.  »

Je l’ai lu. Une fois, deux fois… J’avais l’impression qu’une signification profonde que je ne saisissais pas était cachée. Un fantôme nommé Max observe sa voisine Léo à son insu. Alors, je me heurtais à une question : si Max est vraiment un fantôme, comment arrive-t-il à donner un orgasme à Léo? Après quatre lectures, j’ai compris toute la subtilité du texte. Et non, aucune histoire de fantômes n’y figure!

En résumé, Max est un homme tellement insignifiant qu’il finit par devenir invisible, tandis que Léo est une femme timide vivant entre ses rêves et ses cauchemars. Max s’installe chez Léo et observe sa vie à son insu. Une touche de romantisme s’ajoute à l’histoire lorsque Léo commence à remarquer Max qui devient visible pour elle.

Les illustrations renforcent le message

L’histoire très touchante et les dessins chaleureux plongent les lecteurs.trices dans l’atmosphère intimiste de ce récit qui surprend par sa franchise. Les dessins et le texte font osciller l’histoire entre la réalité et l’imaginaire. C’est sûrement ce qui m’a fait voir un fantôme, là où un homme rempli de solitude est invisible pour son entourage.
Le texte se rapproche d’une fable sociale et intime par sa proximité avec la poésie et sa morale. Avec douceur et mélancolie, la fin ouvre une réflexion sur la sensation de devenir invisible dans nos environnements bruyants et éphémères.

C’est une représentation qui met en lumière le sentiment d’effacement que certains.es ont pu ressentir à des moments de leur vie. Le mythe éternel de l’homme ou la femme invisible qui se sent à sa place nul part.

« – Bon, une dernière partie. – Ça fait des heures que tu dis ça. Crois-en mon expérience, l’abus de solitaire est très mauvais pour les humains. » – Les petites distances, Véro Cazot

Cunnilingus, sexe homosexuel et doggystyle

« – Un cunnilingus, c’est… tiens, comme un sandwich au pastrami ! Quand il est bien fait, c’est juste la meilleure chose au monde. -Je crois que je préférerais quand même le pastrami. » Les petites distances, 2018

Véritable festival d’images à la Kamasutra, la bande dessinée pénètre (sans mauvais jeu de mots) dans l’intimité des personnages. Des nombreuses fréquentations (coup d’un soir) de Léo à l’espionnage de Max qui regarde les voisins.nes. de son immeuble, les représentations de positions sexuelles et des différentes pratiques (les trios, les relations homosexuelles, les relations d’un soir et celles remplies d’amour, etc.) sont illustrées avec ouverture d’esprit et inclusion.

Les sujets comme l’amour, la solitude, la sexualité, la difficulté à communiquer et l’enfance sont abordés avec sensibilité tant dans l’image que dans le texte.

« Je suis complètement invisible. C’est de pire en pire, mais c’est comme ça depuis ma naissance. Quand ma mère m’a mis au monde, elle ne savait même pas qu’elle m’attendait. Il y a des jours où je me sens complètement inconsistant. » Max, dans Les petites distances, Véro Cazot.

« Tu as vu l’homme idéal dans les parages, toi ? Non ? Eh bien moi, j’en ai marre d’attendre. Vlad n’est pas parfait, mais je crois que je serais perdue sans lui. Tant pis pour le prince charmant, il n’avait qu’à se pointer avant. » Léo, dans Les petites distances, Véro Cazot.

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