Poésie : L’altérité

Par Léonie Faucher, rédactrice en chef

L’autre

Elle m’observe,

Là debout devant un sans décor

Elle analyse la moindre parcelle de mes défauts

Ses yeux culbutent sur mes hanches arrondies

Ses sourcils s’arquent sur mon ventre pétri

Ses lèvres s’étirent face à nos yeux qui se croisent

Elle, c’est mon altérité

Elle se sent chanceuse d’être autre

Elle ne baisse jamais les yeux devant autrui

Fière, confiante, elle ne rebute personne

Derrière son filtre, elle me juge

C’est vrai que je n’arrive à rien

J’ai beau ravaler ma salive de travers

Son regard ne me fuit pas

Les insécurités dans le plafond

J’ai envie de lui hurler de regarder ailleurs

Qu’il n’y a rien à voir

Vraiment, je ne suis rien à voir

Devant la vitrine d’un magasin

Elle me trouve ordinaire comme un dix cent

Même seule dans ma salle de bain

Elle finit toujours par me rejoindre

Son reflet devant moi m’oppresse

Entre nous deux se tient mon miroir

Elle, c’est aussi moi

 

Démoule

Si je n’ai pas envie d’embarquer dans le moule, je suis une autre.

J’ai toujours ressenti ma différence.

Cliché.

Là où l’autre admirait une réussite, j’admirais un échec.

Je percevais les imperfections qui restaient invisibles.

Clairvoyance.

J’entendais des sons, des bruits, des grincements, là où l’autre entendait le silence.

Le tic-tac de l’horloge, le pied de l’enfant, troisième bureau au fond, qui frottait le sol.

Clairaudience.

Ma mère me chicanait une seule fois.

Perfectionnisme.

Ma meilleure amie était mon imagination.

Le vendredi soir, je sortais dans la forêt où les sorcières naissaient.

Un bout de bois à la main, j’affrontais ce que je ne comprenais pas.

Dyssynchronie.

 

  • L’intimidation, alors que l’insulteur projetait ses insécurités sur l’autre.
  • Les consignes, alors que l’instructeur racontait le bon vieux temps de ses hors-la-loismes.
  • Les clochers d’églises, alors que les croyants n’entendaient pas les sons de cloche.
  • Les prisons, alors que les plus grands bandits dirigaient des institutions.

 

Je suis consciente de l’existence du cadre, et ça m’empêche de m’y engouffrer.

Alors que parfois, j’aimerais y être insensible.

Hypersensibilité.

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